500 000 comptes pénibilité

par Michel Delberghe / 17 novembre 2016

Un peu plus de 500 000 comptes personnels de prévention de la pénibilité ont été ouverts au titre de l’année 2015, selon une note encore confidentielle de la Cnav présentée hier au Conseil d’orientation des retraites et que Santé & Travail a pu consulter.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) commence à prendre forme. Dans une note de travail encore confidentielle destinée au Conseil d’orientation des retraites (COR), que Santé & Travail s’est procurée, la direction Pénibilité de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (Cnav) dresse un premier bilan statistique de cette mesure intégrée à la loi de réforme des retraites de janvier 2014. Une mesure que le Medef et les branches professionnelles rechignent toujours à mettre en œuvre et que les principaux candidats à la primaire de la droite pour l’élection présidentielle proposent d’abroger en cas d’accession au pouvoir.

2,3 % des salariés

Un an après son entrée en application le 1er janvier 2015, 512 162 comptes personnels ont été ouverts par 25 820 entreprises en faveur de leurs salariés exposés à l’un des quatre facteurs de pénibilité (sur les dix identifiés) intégrés au C3P dès cette date : le travail de nuit, en équipes successives alternantes, répétitif et en milieu hyperbare.

Ce premier état des lieux reflète une réalité qui est loin d’être négligeable, compte tenu des critères et des seuils d’exposition élevés qui ont finalement été retenus. Le dispositif concerne 2,3 % des effectifs salariés du secteur privé, pour l’essentiel (76 %) des hommes et, parmi eux, une majorité (43 %) dans la tranche d’âge de 41 à 55 ans. La quasi-totalité des déclarations (94 %) ne porte que sur un seul des quatre facteurs de pénibilité signalés.

De leur côté, 1,7 % des entreprises ont effectué la démarche. Parmi elles, 34 % de l’ensemble des PME de 300 à 999 salariés et 48,9 % des entreprises de plus de 500 se sont acquittées de cette tâche. En revanche, les TPE de moins de 10 salariés affichent un taux marginal, de l’ordre de 0,4 %, qui peut s’expliquer par le retard ou les réticences dans la mise en œuvre du dispositif, mais aussi par une activité dans des secteurs moins ou pas du tout visés.

Le travail de nuit en tête

Le principal facteur d’exposition est le travail de nuit (au seuil de 120 nuits par an), qui représente 241 989 déclarations, dont 75 % pour les hommes, essentiellement les plus de 40 ans. Le travail en équipes successives alternantes (avec au moins 50 nuits par an) concerne 148 039 salariés, à 84 % des hommes. Même s’il apparaît moins marquant, le travail répétitif reste une contrainte pour 80 063 salariés, dont 25 % de femmes de plus de 40 ans. Le travail en milieu hyperbare ne donne lieu qu’à un nombre restreint de déclarations, de l’ordre de 1 300 au total.

Plus des trois quarts des déclarations portent sur des périodes de référence de pénibilité subie d’un an permettant aux salariés de totaliser 4 points, voire davantage s’ils sont concernés par plus d’un facteur. Ce qui devrait représenter un avantage soit pour engager des formations de reconversion ou bénéficier de périodes à temps partiel rémunérées intégralement, soit négocier des départs anticipés à la retraite.

Plus de la moitié des déclarations dans l’industrie manufacturière

Parmi les secteurs d’activité, il n’est pas surprenant que l’industrie manufacturière soit la plus représentée, avec 273 300 salariés, soit 53,2 % des déclarations. Les facteurs de pénibilité retenus sont également signalés dans l’hébergement et la restauration (13 %), le transport et l’entreposage (11,7 %), la santé et l’action sociale (9,6 %), les services (7,9 %), le commerce et la réparation automobile (6,9 %).

Le constat de cette première année de mise en œuvre reste parcellaire. Le dispositif a été complété le 1er juillet avec le signalement de six facteurs supplémentaires s’appuyant sur des référentiels que certaines branches professionnelles, invoquant la complexité de la procédure, renâclent toujours à élaborer. Cela concerne les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les températures extrêmes et le bruit. Le Figaro du 25 octobre, reprenant des éléments du ministère du Travail, indique « 4 branches ont demandé l’homologation de leur référentiel par l’administration. Mais 14 d’entre elles auraient un document prêt et refuseraient de le rendre public ». La ministre, Myriam El Khomry, a annoncé que les entreprises réfractaires, qui, selon elle, entendent « jouer la montre » dans l’attente du résultat de l’élection présidentielle, seraient considérées comme « hors la loi » au 1er janvier prochain.