Ce n'est pas la taille qui compte

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François Desriaux rédacteur en chef
/ octobre 2015

Que l'on soit favorable ou, au contraire, radicalement hostile aux conclusions du rapport Combrexelle et à ses 44 propositions sur la négociation collective, on peut convenir d'une chose : le document rédigé par le président de la section sociale du Conseil d'Etat, appuyé par une belle brochette d'experts du social et du droit, dresse un panorama sans concession de l'état des relations sociales en France. Et, au passage, tord le cou à certaines contre-vérités qui faussent le débat social.

Tout d'abord, la taille du Code du travail n'est pas tant due à une "économie administrée et réglementaire" qu'à la complexité du monde du travail et des relations entre les pouvoirs publics et la société civile. Le besoin de régulation et de sécurité juridique est plus fort que l'envie de simplification, y compris de la part des entreprises. Sans parler de leur capacité à contourner ou neutraliser toute règle de droit, obligeant ainsi les pouvoirs publics à toujours plus de précisions et de rajouts. A ce propos, ce n'est pas la taille du Code qui compte, mais bien l'effectivité des mesures qu'il contient. Pour ne citer qu'un exemple dans notre domaine, l'instauration du document unique d'évaluation des risques était censée enclencher la dynamique de prévention dans les entreprises. Nous sommes loin du compte.

Ensuite, le rapport présente un bilan pour le moins mitigé du dialogue social sur le plan qualitatif. Peu d'accords sont porteurs d'innovation sociale. Et cela est particulièrement vrai dans les domaines des conditions de travail ou de la pénibilité. Pour sortir de cette situation, le conseiller d'Etat propose de créer une nouvelle dynamique de la négociation collective et de refondre le Code du travail afin d'ouvrir de nouveaux champs aux accords d'entreprise ou de branche. Notamment sur les conditions de travail. Il y a autant de bonnes raisons d'espérer la mise en oeuvre de cette nouvelle conception de la norme sociale que de la craindre.

Deux considérations méritent d'être avancées pour alimenter le débat social des prochains mois sur ce thème. En premier lieu, quelle que soit la voie choisie, légale ou conventionnelle, il est urgent d'enrayer la dégradation des conditions de travail. Le statu quo serait le pire des scénarios alors qu'avec la réforme des retraites on demande aux salariés de "durer" plus longtemps dans l'emploi. Or la logique du rapport et l'attente des politiques sont entièrement tournées vers la compétitivité des entreprises. Le risque est donc fort que cette évolution des règles se fasse au prix d'une accentuation de l'intensification du travail, laquelle serait catastrophique. En second lieu, il est difficilement contestable que de nombreux problèmes de conditions de travail découlant du management et de l'organisation du travail ne peuvent être traités que par un renforcement du dialogue social. A condition toutefois que l'on conserve dans le champ de la loi un noyau dur en santé et sécurité au travail, et que les pouvoirs publics définissent une règle du jeu incitative en faveur de l'amélioration des conditions de travail. Car celle-ci ne va pas de soi. Souvenons-nous que les employeurs ne se sont pas précipités pour mettre en oeuvre des politiques efficaces de lutte contre le stress ou pour exploiter le contenu de l'accord de 2013 sur la qualité de vie au travail...