«Minoration» du dialogue social

par Clotilde de Gastines / 14 avril 2015

Le projet de loi sur la modernisation du dialogue social sera présenté à l’Assemblée à la mi-mai. Concernant les instances représentatives du personnel, les décrets d’application devraient restreindre le nombre d’élus et, dans une majorité de cas, le nombre d’heures de délégation.

On en sait un peu plus sur le projet de loi de modernisation du dialogue social. Le texte est examiné par le Conseil d’Etat toute cette semaine et devrait être adopté en Conseil des ministres le 22 avril, pour un débat à l’Assemblée nationale à partir de la mi-mai. C’est donc l’option « avant le congrès du PS » qui a été retenue par le gouvernement, alors que certains bruits laissaient entendre que son examen par le Parlement pourrait être décalé au mois de juillet, en session extraordinaire, pour bénéficier de la possibilité d’une utilisation de l’article 49.3 qui permet au gouvernement de faire passer un texte sans vote.

C’est le ministre du Travail, François Rebsamen, qui défendra le fameux texte réformant notamment le fonctionnement des instances représentatives du personnel (IRP), sur lequel les partenaires sociaux n’étaient pas parvenus à un accord lors des négociations interprofessionnelles du second semestre 2014. C’est en particulier le sort du CHSCT qui avait provoqué l’échec définitif des négociations en janvier dernier.

Fusion des instances au sein de la DUP

Dans le projet qu’a pu consulter Santé & Travail, l’employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés pourra décider de fusionner le CHSCT, les délégués du personnel et le comité d’entreprise en une délégation unique du personnel (DUP). Dans les établissements de plus de 300 salariés, la décision dépendra d’un accord majoritaire.

Au vu de la composition des DUP actuelles, qui regroupent le CE et les DP dans des entreprises de 50 à 200 salariés, les centrales syndicales CGT, FO et Sud craignent que l’instance ne soit affaiblie. Le projet de loi assure pourtant que les représentants « disposeront du temps nécessaire à l’exercice de [leurs] attributions », dont la durée maximale, « sauf circonstances exceptionnelles », sera fixée par décret.

Perte conséquente

Selon les informations que nous avons pu recueillir auprès des partenaires sociaux et du ministère du Travail, nous avons reconstitué ce que devraient être le nombre d’élus des futures DUP en fonction des effectifs des entreprises, ainsi que leur nombre d’heures de délégation (voir tableaux), tels qu’ils devraient figurer dans les futurs textes réglementaires. Dans une majorité de situations, la perte sur ces deux critères devrait être conséquente.

La chute du nombre de représentants du personnel sera d’autant plus forte que les entreprises n’ont pas opté pour une DUP dans la réglementation actuelle. Ainsi, une entreprise comprenant entre 100 et 124 salariés et ayant trois instances distinctes (CE, DP et CHSCT) avait jusqu’à présent 12 élus titulaires. Avec la future réglementation, si l’employeur fait le choix d’une DUP, elle n’aura plus que 7 représentants du personnel titulaires. Au total, les représentants du personnel de cette entreprise perdront également 70 heures de délégation. La chute est moins spectaculaire si l’employeur avait déjà opté pour une DUP. Dans ce cas, la diminution n’est plus que de un élu titulaire et de 10 heures de délégation.

Expertise commune

A bien regarder les tableaux ci-dessous, les « gagnants » sont les représentants du personnel des entreprises de plus de 125 salariés qui avaient déjà une DUP. Dans l’ensemble, les autres entreprises sont plutôt « perdantes ». Le flou persiste également sur le nombre de suppléants et leur capacité d’assister aux instances.

Les craintes exprimées dans le dossier que Santé & Travail vient de consacrer au CHSCT pourraient donc bien se vérifier.

En revanche, comme cela avait été annoncé en février par le Premier ministre, le droit à l'expertise est conservé, mais il pourrait être bouleversé par la création d'une « expertise commune » aux questions relevant du CE et du CHSCT, dont les modalités seront, elles aussi, fixées par décret.

Nombre d’élus 

~~{IMG|THICKBOX|CENTER||1429004029_tableau_comparatif_dup_01_s&t.png}~~

Heures de délégation

~~{IMG|THICKBOX|CENTER||1429003879_tableau_comparatif_dup_02_s&t.png}~~

DES PROPOSITIONS POUR RELEVER LE « DÉFI AMIANTE »

Le désamiantage se fera « n’importe comment » sans une mobilisation générale, estime Aline Archimbaud, sénatrice EELV de Seine-Saint-Denis et présidente du comité de suivi amiante du Sénat. Ce lundi 13 avril, 170 professionnels du secteur du bâtiment, médecins du travail, victimes d’expositions et syndicalistes se réunissent lors d’un colloque au Palais du Luxembourg sur le thème « Amiante, désamiantage : comment répondre aux défis ? ». L’occasion de débattre et d’attirer l’attention sur les propositions remises au gouvernement en juillet 2014 par le comité de suivi amiante.

Il faudra de trente à quarante ans pour effectuer le désamiantage de tous les bâtiments et équipements construits avant 1997, année de l’interdiction de l’amiante. Selon le comité de suivi, il est donc urgent d’instaurer un comité de pilotage national interministériel qui « établisse des priorités ».

Rendre la législation « opérationnelle »

Le comité préconise aussi de rendre la législation sur le désamiantage « opérationnelle », car « elle a beau être assez avancée », elle reste « imprécise et peu appliquée », notamment sur la question du contrôle et de la collecte des déchets amiantés. Autre priorité : informer et former les professionnels du désamiantage, qui sont en première ligne et « se sentent seuls », explique la sénatrice. Le rapport recommande donc de créer une véritable filière économique, en renforçant leurs « savoir-faire dispersés » et en investissant dans la recherche et développement (R&D).

Il est par ailleurs essentiel d’informer le public des risques encourus. Si l’indemnisation des victimes progresse depuis la création du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) en 2006, les fonctionnaires et les intérimaires ont de grandes difficultés à obtenir réparation. Enfin, l’accompagnement des malades est encore faible, alors que dix personnes meurent chaque jour de maladies liées à l’amiante.

VIGIPIRATE : LES CRS AU BOUT DU ROULEAU

Plusieurs compagnies de CRS à Toulouse, Lyon et Nancy ont expérimenté le « débrayage médical ». Les CRS se sont mis en congé maladie simultanément pour protester contre les effets du plan Vigipirate. Depuis les attentats de janvier, ils sont souvent appelés à la dernière minute pour prêter main forte à Paris. Le syndicat majoritaire chez les CRS, Unité SGP Police-FO, a obtenu satisfaction pour une meilleure organisation du travail et une baisse des effectifs mobilisés, qui pourront souffler un peu.