Surcroît de risques psychosociaux dans les entreprises en crise

par Clotilde de Gastines / 06 juillet 2015

Travail plus intense, marges de manœuvre réduites, rapports sociaux tendus... les salariés des entreprises en crise sont surexposés aux risques psychosociaux, d’où une fragilisation de leur santé mentale. C’est ce qu’indique une récente étude de la Dares.

La situation économique d’une entreprise détermine en partie les risques psychosociaux (RPS) auxquels sont exposés ses salariés. Telle est la conclusion d’une analyse des données de l’enquête Conditions de travail 2013, pubiée en juin par la direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail.

Sans surprise, les salariés d’établissements « en crise » sont surexposés aux risques psychosociaux. Ils connaissent une plus grande insécurité de l’emploi, un travail plus intense, des marges de manœuvre réduites et des rapports sociaux plus tendus que ceux des établissements « stables ». Leur santé mentale apparaît même fragilisée, avec trois fois plus de risques dépressifs que dans une entreprise « stable ». Ils déclarent également plus souvent que leur santé est « moyenne, mauvaise ou très mauvaise » ou bien que leur travail est « plutôt mauvais pour leur santé ». L’intensité émotionnelle du travail est un peu plus forte, notamment la nécessité de « devoir cacher ses émotions » dans le travail, mais ne se distingue pas significativement pour les autres aspects (« travailler en contact avec des personnes en situation de détresse » ou « devoir calmer des gens »). Dans les établissements « restructurés », où les salariés sont plus exposés à l’insécurité économique, la santé perçue apparaît un peu moins bonne que dans les établissements « stables ».

La crainte de se retrouver au chômage

L’enquête interroge aussi les employeurs sur le degré d’exposition de leurs salariés aux différents risques psychosociaux. De façon cohérente avec les réponses des salariés, les employeurs indiquent plus souvent que leurs salariés craignent « de se retrouver au chômage » dans les établissements « flexibles » (qui ont connu des hauts et des bas), « restructurés » et surtout « en crise ». En revanche, les problèmes de qualité du travail (conflits de valeurs) sont plus souvent évoqués par les employeurs des établissements « en croissance », comme si, dans les établissements dynamiques, les employeurs s’attendaient à vivre des tensions associées à une charge de travail croissante, alors que leurs salariés, rassurés quant à leur avenir, ne se plaignent pas particulièrement de leurs conditions de travail.

À LIRE, À ÉCOUTER AILLEURS SUR LE WEB
  • Quels sont les effets du reporting sur la santé au travail ? Dans un entretien au site Internet Basta !, la sociologue du travail Marie-Anne Dujarier indique que les salariés estiment passer « 20 % à 30 % de leur temps » à quantifier leur travail pour les besoins de l’évaluation, en s’efforçant de fabriquer de « bons chiffres ». A l’hôpital, certains soignants ont l’impression d’y consacrer « quasiment un mi-temps, aux dépens du temps accordé aux patients ». La santé des salariés est affectée par cette quantification bureaucratique réputée indiscutable, qui a pris le dessus sur l’évaluation qualitative, délibérative et contradictoire du travail réel.

    – Les députés vont-ils réintroduire le burn-out dans la loi ? La ministre de la Santé, Marisol Touraine, s’y est déclarée favorable mardi 30 juin sur France Inter (13e minute). Lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, le Sénat a rejeté la possibilité d’une reconnaissance de cette pathologie psychique en maladie professionnelle. Une commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver une version commune aux deux chambres. En cas d'échec, l'Assemblée aura le dernier mot.

    – La direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministière du Travail a publié dans Synthèse.stat’ (n° 13, juin 2015) une cartographie détaillée des expositions professionnelles aux produits chimiques, basée sur les résultats de l’enquête Sumer 2010.