Frédéric Laloue : "La priorité, c'est la prévention primaire"

entretien avec Frédéric Laloue, secrétaire général du Coct
par Nathalie Quéruel / octobre 2015

Le nouveau secrétaire général du Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct) revient sur les ambitions du futur plan santé au travail, troisième du nom, dont les axes stratégiques ont été définis par les partenaires sociaux.

Quels sont les objectifs du plan santé au travail 2015-2020 ?

Frédéric Laloue : Par rapport aux deux plans précédents, le projet présente la particularité d'être élaboré sur la base des propositions des partenaires sociaux, réunis dans le cadre du groupe permanent d'orientation du Coct [Conseil d'orientation des conditions de travail, NDLR]. Ces orientations ont été validées par le ministre du Travail en janvier dernier et la préparation du plan lui-même est aujourd'hui assurée par les services de la direction générale du Travail. Le nouveau plan procède d'un changement d'approche sur le fond. La prévention primaire est posée comme l'objectif numéro un et cette orientation stratégique irrigue de façon transversale les autres thématiques, qu'il s'agisse de la qualité de vie au travail ou de la prévention de la désinsertion professionnelle. Ce changement de conception s'inscrit dans un contexte particulier : les risques émergents, le vieillissement de la population active qui pose de manière accrue la question du maintien en l'emploi, l'apparition de nouvelles formes de travail, etc. Si la réparation des sinistres demeure essentielle, la priorité est le développement de la prévention primaire pour éviter leur survenue.

Alors que l'intensification du travail repart à la hausse et que les licenciements pour inaptitude - concernant en particulier les salariés âgés - vont croissant, quelle stratégie est envisagée pour déployer efficacement la prévention sur le terrain ?

F. L. : Les dispositifs d'obligation et d'incitation sont indispensables, mais ils doivent être complétés par une réelle prise de conscience des enjeux de la prévention de la part de tous les acteurs, et au premier chef des employeurs et des salariés. Ce n'est pas uniquement une affaire de spécialistes. Il existe aujourd'hui un certain nombre d'outils pour évaluer les risques professionnels : il faut en promouvoir l'usage. Nous pouvons mettre en évidence le lien entre bonnes conditions de travail et performances économiques de l'entreprise. L'appropriation au plus près du terrain de la dimension centrale de la santé au travail nécessite de l'intégrer dans la formation à tous les niveaux. Des travaux complémentaires menés récemment au sein du Coct ont conduit en juillet dernier à l'adoption d'un mémorandum, qui prévoit de diffuser la culture de prévention dans le continuum formation initiale/formation continue/pratique professionnelle. Les acteurs du Coct, et en premier lieu les partenaires sociaux, sont également présents dans le champ de la formation : profitons de ce levier pour promouvoir la culture de prévention.

La priorité donnée à la prévention se fera-t-elle au détriment de la réparation ?

F. L. : Ce n'est pas la philosophie du projet. Tout le monde s'accorde à constater le fort déséquilibre entre le coût de la réparation et les moyens consacrés à la prévention. Celle-ci devient un enjeu crucial pour éviter des accidents et des maladies professionnels dans l'avenir, et les indemnisations correspondantes. Les politiques de maintien dans l'emploi constituent l'un des axes retenus. Une meilleure coordination des acteurs et des offres de services adaptées, notamment en direction des PME, sont possibles. Développer l'utilisation des outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, mettre l'accent sur la formation pour anticiper les reconversions professionnelles, proposer des offres de services répondant à la situation individuelle des salariés, quel que soit leur statut, afin de prévenir la désinsertion professionnelle sont autant de moyens concrets pour faire de la prévention primaire une réalité.