Les désillusions du compte pénibilité

par Joëlle Maraschin / 05 juillet 2022

Renommé en 2017 « compte professionnel de prévention », en écartant au passage quatre des dix facteurs de risques prévus initialement, le compte pénibilité permet de financer un départ anticipé en retraite de deux ans au maximum, selon les points accumulés. Un dispositif qui n’a concerné tout au plus que quelques milliers de salariés, soit très peu de personnes au regard des plus de 650 000 qui partent chaque année en retraite.
« Il serait plus que temps de faire un bilan qualitatif et quantitatif de ce dispositif et de le verser au débat public », estime Annie Jolivet, économiste au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET). Pour avoir une idée de l’effectivité du dispositif, il faut éplucher les annexes des projets de loi de financement de la Sécurité sociale.
Depuis sa création en 2015, seulement 6 400 salariés ont demandé à utiliser leurs points pour partir plus tôt en retraite, 1 800 pour un passage à temps partiel, et 600 pour une formation. Même si une montée en charge est prévisible, on est très loin de l’annonce du précédent gouvernement de 10 000 personnes bénéficiaires d’une retraite anticipée par an dès 2018. Fin 2020, un compte avait été ouvert pour 1,8 million de salariés, des hommes en grande majorité.
Cette ouverture se fait dès la déclaration par l’employeur d’une exposition du salarié à l’un des facteurs de risques retenus par le dispositif. Mais elle n’entraîne pas pour autant l’octroi de points. Un point correspond à un trimestre d’exposition. Le nombre de points est plafonné à 100 sur l’ensemble d’une carrière et 10 points donnent droit à une anticipation du départ à la retraite d’un trimestre.
Le travail de nuit et celui en équipes alternantes sont les deux facteurs de risques qui ont entraîné le plus d’ouvertures de comptes. « Les critères de ce compte sont très restrictifs, loin de couvrir toutes les situations qui rendent le travail difficile à tenir. De plus, la pénibilité des professions féminines n’est pas prise en compte », observe Annie Jolivet. Les critères ont même, selon elle, appauvri le dialogue social autour de ce qu’est la pénibilité du travail. Les risques psychosociaux, qui dégradent tout autant la santé que les risques physiques, ne sont pas non plus pris en compte.