Un risque d’usure identifié depuis longtemps
Les facteurs de l’abandon prématuré du métier d’infirmière sont connus de longue date. Madeleine Estryn-Béhar, ergonome et médecin du travail, a piloté plusieurs études sur ce thème, de 2003 à 2012, dans 56 établissements de cinq régions ainsi que dans un CHU parisien1 . Parmi ces causes, elle cite la faiblesse du travail d’équipe, le manque de discussion autour des patients et de debriefing émotionnel. Mais aussi la réduction des temps de chevauchement des équipes, ce qui limite les transmissions d’informations, ainsi que les interruptions d’activité trop fréquentes pour aller chercher ces informations, une fragmentation qui concourt à l’épuisement et à la peur de commettre une erreur. Il faut y ajouter la surcharge de travail, avec un rythme effréné qui empêche d’écouter le patient, la frustration d’être cantonné à des gestes techniques, le conflit entre vie familiale et travail, le manque de soutien psychologique… « On répète cela depuis des années mais rien n’est fait ! Il manque la volonté politique de s’y attaquer, déplore Madeleine Estryn-Béhar. Les pouvoirs publics n’ont donné aucune suite à nos travaux. »
- 1Santé et satisfaction des soignants au travail en France et en Europe, par Madeleine Estryn-Béhar, Presses de l’EHESP, 2008.