"Affaire" Boffetta : la fronde des scientifiques

par Pascal Marichalar / juillet 2014

Fin 2013, le Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP), qui est un des principaux lieux de la recherche épidémiologique en France, se cherche un nouveau directeur. Après un examen des candidatures, Paolo Boffetta, 55 ans, professeur à la faculté de médecine Mount Sinai de New York, reste seul en lice, quasiment assuré de prendre ses fonctions début 2015.

Mais l'annonce publique du nom du candidat va provoquer la fronde d'une partie de la communauté scientifique. En effet, Boffetta a coutume d'accepter des financements industriels pour ses travaux ; des entreprises de l'agroalimentaire, des mines et de la chimie font partie des généreux donateurs. Il est aussi de notoriété publique qu'en 2011, l'épidémiologiste a été recruté comme expert par les avocats d'une ancienne entreprise d'amiante italienne, Montefibre Verbania, dans le cadre d'un procès pénal suite à la mort de nombreux ex-salariés. Les frondeurs laissent entendre que les travaux du chercheur seraient biaisés par la nature des financements reçus. Ce dont Paolo Boffetta s'indigne dans une lettre ouverte aux personnels du CESP datée du 15 janvier : "Suggérer que mes conclusions dépendraient des sources de financement est une insulte à mon intégrité scientifique."

Le chercheur est un familier de ces controverses, ayant déjà été critiqué en 2007 pour avoir accepté des fonds de l'industrie européenne du pétrole et du bitume alors qu'il était en poste au Centre international de recherche sur le cancer. Il s'était alors défendu en expliquant qu'il n'avait jamais caché qu'il recevait des financements industriels et que les clauses des contrats garantissaient toujours l'indépendance scientifique : s'il devait soumettre ses articles aux financeurs avant parution, il n'était pas obligé de tenir compte de leurs commentaires.

Consultant pour l'industrie

Début 2014, les détracteurs de Boffetta ne se contentent pas de ces arguments, ni de sa promesse de se retirer du cabinet de consultants au travers duquel il vend ses services aux industriels mis en cause dans des procès. Sont notamment pointées du doigt deux publications dans lesquelles l'épidémiologiste conteste le caractère cancérogène de la dioxine et des vapeurs de diesel, ainsi qu'un article sur l'absence de lien entre durée d'exposition à l'amiante et cancer qui vient conforter la défense dans le procès Montefibre. Le 28 janvier, Boffetta décide finalement de retirer sa candidature, au motif que le poste proposé est trop "politique".