Affaire d'Etat
Le nouveau ministre du Travail, Xavier Darcos, va-t-il devoir gérer la réforme de la médecine du travail, en plus du délicat dossier de la pénibilité ? Ce devrait être le cas si, comme on peut le penser, les négociations entre patronat et syndicats sur le premier sujet empruntent le même chemin que celles sur le second : celui de l'échec.
Alors que le prédécesseur de Brice Hortefeux rue de Grenelle avait demandé aux partenaires sociaux de rendre leur copie à la fin du premier semestre, les positions restent sensiblement éloignées et l'on perçoit mal comment un accord pourrait être conclu à cette date.
Ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle. D'une part, parce qu'il n'est pas évident que ce qui ressortira du dialogue social améliore notablement la capacité de la médecine du travail à éviter toute altération de la santé des salariés et corrige les lacunes de la précédente réforme de 2002. On peut s'interroger en effet sur la détermination du patronat à vouloir donner plus de moyens et de pouvoir à cette institution, alors qu'il la perçoit surtout comme une charge et une entrave à sa liberté.
D'autre part, parce que, par définition, cette négociation exclut de fait deux acteurs majeurs de la santé au travail : l'Etat et les professionnels. La catastrophe de l'amiante, mais aussi l'épidémie de troubles musculo-squelettiques et l'explosion des risques psychosociaux, avec leurs répercussions économiques et sociales lourdes, ont largement montré que la santé au travail relevait de la santé publique. L'affaire de l'Etat, donc. Dès lors, il est inévitable que les pouvoirs publics aient leur mot à dire, tant sur la gestion que sur les orientations stratégiques des services de santé au travail. La solution serait bien évidemment que leur gouvernance, exclusivement patronale aujourd'hui, devienne tripartite avec égalité de voix entre employeurs, organisations syndicales et pouvoirs publics. Mais de cela non plus le patronat ne veut pas entendre parler. Les représentants du Medef s'exposeraient aux réactions de leurs mandants s'ils acceptaient de signer un compromis rognant la mainmise des employeurs locaux sur la gestion des services de santé au travail.
S'agissant des professionnels, même si plusieurs médecins du travail participent aux discussions en raison de leurs mandats syndicaux, il n'est pas certain que le cadre de ces négociations soit propice à un examen approfondi de la pratique médicale en médecine du travail. Pourtant, ces dernières années, sous le double effet de la dégradation des conditions de travail et de la procédure d'évaluation des pratiques professionnelles, un corpus nourri de connaissances, de réflexions et d'expérimentations s'est développé. Ne pas en tenir compte au nom d'un corporatisme dépassé est absurde. Penser que des sujets aussi complexes que l'aptitude, la clinique médicale du travail, l'articulation des métiers entre médecins, infirmières et intervenants en prévention des risques professionnels puissent trouver un débouché dans une négociation n'est pas sérieux. Seul un travail long et minutieux de réflexion et de concertation peut permettre de sortir par le haut sur ce dossier. Ne serait-ce pas au tout nouveau Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct) de le conduire ?