« Aider le salarié à penser ce qu'il a vécu dans son travail »
Quelle est votre approche lorsqu'un salarié accidenté vous consulte ?
Christian Torres : Tout dépend du motif de la consultation. Généralement, outre les obligations légales, lorsqu'un salarié accidenté vient me voir, c'est parce que le retour en activité nécessite une adaptation de son poste de travail. Il y a des situations relativement simples qui nécessitent des aménagements temporaires des conditions d'exercice du travail, d'autres où les séquelles sont telles que le retour à l'emploi est compromis... Enfin, un certain nombre d'accidentés présentent un état douloureux permanent qui fait obstacle à la reprise. Par expérience, j'ai remarqué qu'une analyse clinique des circonstances de l'accident du travail pouvait aider le salarié à surmonter ses difficultés.
Pourquoi cette analyse clinique est-elle importante ?
C. T. : Resituer l'événement dans un contexte plus global apporte un éclairage intéressant. Dans ces situations particulières, on observe souvent, dans les mois qui ont précédé l'accident, une dégradation du rapport au travail. Les salariés évoquent des conflits avec le management ou les collègues, qui engendrent un état de stress chronique. Or nous savons que ces états de stress entraînent des inflammations. Ils altèrent également la capacité d'intégrer les événements dans une continuité biographique. On se retrouve alors devant un tableau évoquant un stress post-traumatique pouvant réclamer une prise en charge spécialisée et qui, à mon sens, exige une analyse relevant de la clinique médicale du travail. Celle-ci est importante, car elle permet d'aider le salarié à penser ce qu'il a vécu dans son travail, à entrevoir des actions pour un possible retour en emploi et à donner sens à l'événement, en l'inscrivant dans sa propre histoire.
Qu'est-ce que cette analyse apporte à votre diagnostic ?
C. T. : L'analyse clinique de l'activité est d'abord destinée à soutenir le salarié, la personne souffrante. Avec cette démarche, le médecin du travail est aussi mieux armé pour argumenter auprès des directions sur les conditions de la reprise du travail. De même, nos préconisations gagnent en précision quand nous devons solliciter d'autres services susceptibles d'intervenir dans ces processus de reprise après un accident.