Amiante à l’école : « Il faut prendre toutes les mesures pour la supprimer ! »
Ancienne professeure des écoles et responsable associative, Nathalie Laclau alerte sur le défaut d’entretien des établissements scolaires mais aussi sur l’absence de précautions lors des chantiers de désamiantage et le non-respect des recommandations issues des diagnostics techniques.
Vous avez cofondé l’Association des victimes de l’amiante dans les locaux de l’Éducation (Avalé 13) : quelle est la situation dans les écoles à Marseille ?
Nathalie Laclau : Marseille est une très grosse ville, avec pas loin de 500 écoles qui ont souffert d’un manque d’entretien pendant plusieurs décennies. Et le personnel au sein des régies en charge de cet entretien est tout à fait insuffisant. Les gars étaient six pour toutes les écoles et ils devaient en plus s’occuper des crèches. Résultat : tout s’est dégradé petit à petit. Quand on voulait fixer une étagère, il fallait attendre au minimum six mois. C’est comme ça que les collègues se sont retrouvés à percer eux-mêmes les murs sans savoir ce qu’il y avait dedans… Cela dit, les personnels des régies ne le savaient pas non plus. Ils ont eux aussi percé des murs sans aucune précaution, y compris en présence d’enfants dans les classes.
Le changement de majorité, il y a quatre ans, n’a-t-il pas fait évoluer la situation ?
N. L. : La nouvelle municipalité a beaucoup communiqué sur les travaux entrepris dans les écoles. Cinq d’entre elles ont été intégralement réhabilitées, mais l’amiante reste un sujet qui embarrasse les élus et sur lequel ils ne disent pas tout. L’élu en charge des travaux nous avait dit il y a quatre ans que la municipalité allait être transparente et mettre tous les documents techniques amiante (DTA) des établissements en open data, mais ce n’est toujours pas le cas.
Par ailleurs, de nombreux travaux de désamiantage ne sont pas faits dans des conditions qui garantissent la santé des enseignants et des enfants et avec les plans de prévention sont parfois insuffisants, voire inexistants. Nous avons par exemple été alertés par des collègues d’une école maternelle parmi les cinq premiers établissements en réhabilitation complète. Avant sa démolition, l’ancienne habitation de la concierge devait être désamiantée. Les enseignants l’ont compris en voyant des ouvriers en tenue de désamianteurs aux fenêtres de ce logement, logement qui donnait sur la cour de la maternelle.
Sur place, nous avons pu entrer sans difficulté dans le petit jardin de la conciergerie, où des bennes destinées à recueillir les matériaux amiantés étaient ouvertes aux quatre vents : rien n’était sécurisé et la cohabitation de ce chantier avec la vie de l’école n’avait pas été anticipée ! Cela signifie que, s’il n’y a pas de veille, ou de lanceur d’alerte, les chantiers ne sont pas forcément clos et les directions d’école ne sont pas informées des plans de prévention obligatoires qui sont censés prévenir les risques de co-activités. Cela dit, Marseille n’est pas la seule ville concernée, loin de là. Aujourd’hui, nous sommes contactés par beaucoup d’autres communes confrontées aux mêmes problèmes.
Qu’en est-il du côté des collèges et des lycées ?
N. L. : Nous constatons, hélas, les mêmes manquements, avec des collectivités territoriales aussi peu fiables que les mairies ! Prenons par exemple le collège marseillais Alexandre Dumas. Suite à une formation sur le sujet de l’amiante délivrée par l’avale 13 en lien avec les syndicats, un enseignant est allé réclamer le DTA. Il s’est rendu compte que certaines dalles vinyles amiantées entraient dans la case des « actions correctives de 2er niveau » (AC2). Cela signifie qu’il fallait boucher les trous, source d’émanation de fibres d’amiante, et interdire l’accès de la zone tant que ce n’était pas fait. Or, cette recommandation datait de … 2013. Cela faisait donc onze ans que des centaines d’élèves, enseignants et personnels d’entretien marchaient sur des dalles interdites ! Nous avons récemment connu un cas similaire dans un lycée technique avec des recommandations AC1 et AC2, non respectées depuis 2017.
Quelles sont les stratégies des enseignants, dans ce cas, pour que les dossiers avancent ?
N. L. : Dans le cas du collège Alexandre Dumas, les collègues ont voulu utiliser leur droit de retrait, mais la direction académique a refusé. Son argument ? Le conseil départemental avait indiqué que des travaux étaient prévus, et que les mesures d’empoussièrement déjà effectuées ne montraient aucun problème. C’est un peu comme s’il y avait un incendie, et qu’on disait aux enseignants et aux élèves : retournez au collège, les pompiers arrivent demain ! De plus, on sait que, le seuil de 5 fibres par litre pour les mesures d’empoussièrement est une réglementation archaïque. En 2009, des textes de l’Anses [Afsset à l'époque, NDLR] préconisaient déjà de passer à 0,5 fibres par litre, soit dix fois moins.
L’Avalé 13 demande que l’on se base plutôt sur des prélèvements surfaciques, avec la norme américaine qui ne tolère aucune fibre. Soit il y a de l’amiante, soit il n’y en as pas. Et s’il y en a, il faut prendre des mesures pour la supprimer !
L’amiante sème le trouble dans un lycée de l’Ain, Nolwenn Weiler, Santé & Travail, 27 mail 2024.
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