Amiante dans les bâtiments : nouvelle alerte du Haut Conseil de la santé publique
Dans un avis publié le 21 janvier 2025, le Haut Conseil de la santé publique recommande d’abaisser la valeur seuil de déclenchement des travaux de confinement ou de retrait de l’amiante. Une mesure de protection déjà formulée dix ans auparavant.
Pour assurer la protection des populations vivant ou intervenant dans des bâtiments contenant de l’amiante, il faut abaisser la valeur de déclenchement des travaux de désamiantage ou d’encapsulage à deux fibres par litre contre cinq actuellement : ce sont les toutes dernières recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Publiées ce 21 janvier 2025, ces recommandations confirment celles que le HCSP avait émises en… 2014, soit il y a plus de 10 ans !
« Actuellement des personnes vivant ou intervenant dans des bâtiments amiantés ne sont pas protégées comme elles devraient l’être », alerte l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) dans une lettre adressée au ministre de la Santé, Yannick Neuder, dès le 22 janvier 2025, en réaction à la publication de l’avis. Car s’ils sont peu connus du grand public, ces seuils sont régulièrement convoqués : « Après la catastrophe de Lubrizol en septembre 2019, les autorités se sont empressées de mentionner cette limite de 5 fibres pour dire qu’il n’y avait pas de danger, signale Alain Bobbio de l’Andeva. La réaction est comparable dans les écoles, lorsque les parents se mobilisent pour protéger leurs enfants. »
« Ce seuil [de 5 f/L] avait été établi sur la base de la mesure du bruit de fond en fibres d’amiante réalisée dans les années 70 en agglomération parisienne », détaille le HCSP. Soit 20 ans avant l’interdiction du matériau, à une époque où circulaient dans la capitale des voitures munies de freins et systèmes d’embrayage contenant de l’amiante… Actuellement en cours de réactualisation, « le fond de pollution en amiante de l’agglomération parisienne a diminué au cours du temps. En 2012, il était évalué à 0,08 f/L », signale le HCSP. « Et depuis 2014, ce bruit de fond a encore diminué », ajoute Alain Bobbio.
Augmenter la fréquence des contrôles
Le HCSP rappelle par ailleurs que le seuil de 2f/L « est une valeur de gestion qui ne constitue pas une valeur sanitaire ». Au contraire, puisque qu’un taux de 2f/L peut signifier qu’un matériau ou un produit contenant de l’amiante est en cours de dégradation. Le HCSP recommande donc d’augmenter la fréquence des contrôles si une valeur de 2f/L est repérée, précisant que ce contrôle doit concerner les fibres courtes autant que les fibres longues. « La toxicité des fibres courtes n’est pas établie avec certitude, mais elle est considérée comme plausible, précise Alain Bobbio. Le HCSP conseille de les compter car il considère que leur présence est le signe d’un vieillissement des matériaux amiantés. Et ce comptage doit intervenir quel que soit le type de matériaux ou produits contenant de l’amiante. » Pour le moment, la réglementation distingue diverses obligations selon que l’on est confronté à du flocage, des planchers et fonds plafonds ou des enduits intérieurs.
Si l'Andeva se montre plutôt satisfaite de cette nouvelle alerte du HCSP, l’association insiste depuis longtemps sur le fait que l’amiante est un cancérogène sans seuil. «L'abaissement immédiat de 5 fibres à 2 fibres par litre serait une première avancée, estime Alain Bobbio. Mais il faudra probablement descendre plus bas. » Le HCSP lui-même souligne d'ailleurs que ses recommandations « peuvent évoluer en fonction de l'actualisation des connaissances et des données épidémiologiques ».
Par ailleurs, l’Andeva demande que le mesurage de la qualité de l’air soit doublé de mesurages surfaciques, de façon à pouvoir repérer l’amiante sédimenté dans les murs ou autres endroits et susceptible d’être remis en suspension en cas de travaux ou de frottements. C’est le cas des écoles, où l’on peut croire qu’il n’y a pas d’amiante, notamment lorsque les contrôles de l’air sont faits un jour sans élèves. Et où des prélèvements surfaciques attestent par contre d’un possible danger.
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