Amiante : ces cancers professionnels oubliés
Les maladies professionnelles restent largement sous-évaluées en France, selon une récente étude de Santé Publique France (lire cet article de Santé & Travail). Les cancers de l’ovaire et du pharynx provoqués par une exposition à l’amiante en fournissent une triste démonstration. Le lien de causalité entre la fibre minérale et ces deux pathologies est avéré depuis plus de dix ans ! En 2012, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a publié une monographie mettant en lumière l’augmentation significative de mortalité par cancer de l’ovaire chez les femmes ayant connu une exposition élevée à l’amiante et le risque de cancer du larynx chez les travailleurs exposés. Dans un article publié par The Conversation le 23 avril, Alexandra Papadopoulos, épidémiologiste, pilote de la mission « Expertises des maladies professionnelles » de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) déplore : « Si ce lien est connu des scientifiques, ni les médecins spécialistes de ces pathologies, ni le grand public ne sont véritablement informés sur ce sujet. » Le cancer de l’ovaire est encore très peu connu comme pouvant être associé à des facteurs de risques professionnels. Celui du larynx reste associé à des facteurs tels que la consommation de tabac ou d’alcool.
Cette méconnaissance a largement contribué à la sous-déclaration de ces deux cancers en maladies professionnelles, explique l’Anses dans une récente expertise collective sur le sujet. Alors que l'amiante provoquerait entre 150 et 170 cancers du larynx et de l'ovaire chaque année en France, seulement 6 demandes de reconnaissance en dix ans ont été recensées pour le cancer de l’ovaire et 130 pour celui du larynx, sur la période 2010-2020.
Cette sous-déclaration s’explique aussi par l’absence d’un tableau de maladie professionnelle spécifique, ce qui oblige les victimes à recourir au système complémentaire et à fournir la preuve d’un lien direct et essentiel entre travail et maladie. L’expertise menée par l’Anses plaide justement en faveur de la création d’un tel tableau. Cela permettrait de « faciliter les démarches de reconnaissance en maladies professionnelles, mais également d’informer les médecins, ainsi que les travailleurs et travailleuses exposés à l’amiante des risques qu’ils encourent », souligne Alexandra Papadopoulos.