Amiante : vers un non-lieu généralisé ?
Le coup est rude pour les victimes de l'amiante et leurs associations. Les magistrates instructrices du pôle judiciaire de santé publique et le parquet de Paris envisagent de rendre un non-lieu dans l'ensemble des dossiers amiante en cours d'instruction. Dans une ordonnance dite "de soit-communiqué", adressée le 9 juin au parquet et que Santé & Travail a pu consulter, les trois juges d'instruction du pôle justifient le non-lieu sur la base de leur interprétation des constats d'un rapport d'expertise commandé en 2016 et versé au dossier en février dernier. "Compte tenu du constat effectué par les experts de l'impossibilité de dater l'intoxication des plaignants, [...] il sera de ce fait impossible de déterminer qui était aux responsabilités dans l'entreprise où le plaignant est susceptible d'avoir été exposé, au moment où celui-ci a été intoxiqué, et quelles étaient les réglementations qui s'imposaient à cette date inconnue", écrivent-elles. Avant de poursuivre : "Ainsi, [toutes les] investigations indispensables en matière d'homicides et blessures involontaires ne pourront être menées, compte tenu de cette incertitude entourant le point de départ de la réflexion juridique, à savoir le moment de la rencontre entre une faute et l'intoxication à l'origine du dommage."
Une analyse rejetée par les parties civiles et leurs conseils. Pour le président de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), Jacques Faugeron, "les juges font une interprétation erronée du rapport des experts. Elles omettent tout simplement que l'amiante est un cancérogène "sans seuil", comme cela est bien spécifié dans le rapport, et donc que la période dite d'intoxication démarre dès la première exposition. Et s'il y a bien une information qui figure dans les dossiers des plaignants, c'est la date à laquelle ils ont commencé à être exposés à l'amiante".