Amiante : vers un scandaleux non-lieu
Sur l'amiante, la justice vient de faire très fort. Rappelons la chronologie. 1906 : un inspecteur du travail décrit les maladies graves des travailleuses des filatures d'amiante. 1960 : un chercheur démontre que l'amiante provoque le mésothéliome de la plèvre, un cancer incurable. 1996 : sous la pression d'associations de victimes, l'Etat décide enfin d'interdire l'amiante. Des plaintes sont déposées pour homicides et blessures involontaires. S'ensuivent une instruction interminable et de multiples mises en examen. Juin 2017 : coup de théâtre, les victimes découvrent que les magistrats comptent rendre un non-lieu généralisé pour les dossiers les plus emblématiques. Pour les juges, les travailleurs des usines d'amiante ont été exposés, les normes de prévention n'ont pas été respectées, c'est bien l'amiante qui les a tués. Mais, au terme d'une erreur d'interprétation d'un rapport d'expertise, ils estiment qu'il n'est pas possible de déterminer la date d'intoxication des victimes... et donc de relier leur décès ou leur maladie à l'action d'un responsable. Septembre 2017 : la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris confirme l'annulation des mises en examen des hauts fonctionnaires, chefs des autorités sanitaires et industriels qui ont suggéré par le passé que l'usage contrôlé de l'amiante était sans risque.
Comme les juges sont joueurs, ils reconnaissent qu'il "n'est pas contesté que les pathologies dont sont ou ont été atteintes [les] victimes résultent de leur exposition à l'amiante". Mais personne n'est responsable, pour la bonne raison que... la France a toujours fait comme ça ! Depuis le XIXe siècle, le droit permet aux employeurs d'exposer les travailleurs à des dangers graves et autorise l'Etat à fermer les yeux. Pourvu qu'il y ait une évaluation des risques (pour la prévention, on repassera), la création ex nihilo de seuils de dangerosité et... la possibilité de partir en retraite anticipée pour ceux et celles qui vont mourir plus tôt à cause de leur travail. Merci, patron !