Un appel pour mieux reconnaître les cancers de la peau
L'Académie européenne de dermatologie et vénérologie a lancé, le 26 avril, un appel à l'action contre les cancers cutanés non mélaniques professionnels. Les explications de Marie-Noëlle Crépy, dermatologue spécialiste des pathologies liées au travail.
Les cancers cutanés non mélaniques sont les plus fréquents au monde chez l'adulte. Quelles sont leurs caractéristiques ?
Marie-Noëlle Crépy : Ces vingt dernières années, l'incidence de ces cancers cutanés a plus que doublé dans la plupart des pays européens, devenant, dans certains d'entre eux, l'une des maladies professionnelles les plus fréquentes.
Le principal facteur de risque est l'exposition aux rayonnements UV [ultraviolets] du soleil, classés cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer. Les travailleurs de plein air - de la construction et de l'agriculture, notamment - ont un risque deux fois plus élevé que les autres de développer un cancer cutané non mélanique. Parmi les pathologies de ce type, le carcinome basocellulaire est le plus fréquent. Son évolution est lente et les métastases sont exceptionnelles, mais il peut être destructeur. En revanche, le carcinome épidermoïde, ou spinocellulaire, a une évolution agressive et peut donner des métastases. Il survient souvent sur des lésions précancéreuses telles que les kératoses actiniques, les radiodermites chroniques ou les cicatrices de brûlures.
L'Académie européenne de dermatologie et vénérologie (EADV), dont vous êtes membre, a lancé le 26 avril, avec plusieurs organisations internationales1 , un appel pour une meilleure reconnaissance de ces cancers en maladie professionnelle en Europe. Certains pays sont-ils plus touchés que d'autres ?
M.-N. C. : Les données d'incidence et de prévalence des cancers dépendent de la diversité des systèmes de prise en charge des pathologies dues au travail. En France, les cancers cutanés liés à l'exposition aux UV solaires naturels ne figurent dans aucun tableau de maladies professionnelles. En 2016, seuls 6 cas de cancers de la peau ont été reconnus [en recourant au système complémentaire, NDLR], contre 3 782 en Allemagne2 , où toute exposition ouvre droit à réparation depuis 2015, à la suite d'une campagne de sensibilisation et d'un accord avec les partenaires sociaux.
Il semblerait que, malgré un premier appel en 2016, les autorités n'aient pas pris la mesure de ce problème de santé publique...
M.-N. C. : On constate un manque de mesures législatives assurant une prévention adaptée. L'appel à l'action lancé en avril dernier propose une approche systématique impliquant les décideurs politiques, les acteurs de santé, les partenaires sociaux et les associations de patients. Les grands axes de cette action seraient de créer un cadre législatif destiné à mieux protéger les travailleurs de plein air, avec des dépistages cutanés réguliers, la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers cutanés non mélaniques mais aussi des lésions précancéreuses de kératoses actiniques, des registres standardisés de déclaration, l'utilisation d'outils permettant de quantifier l'exposition aux UV au poste de travail. Sans oublier la promotion de mesures de protection solaire, à l'instar de l'expérience australienne : dispositions d'ordre organisationnel, port de vêtements protecteurs, écrans solaires, information et éducation sur le risque des UV et leur prévention...