Assurance maladie : les arrêts de travail toujours plus surveillés
Les indemnités journalières versées par l'Assurance maladie aux salariés en arrêt de travail sont désormais susceptibles d'être suspendues suite à l'avis défavorable d'un médecin mandaté par l'employeur. Au risque de fragiliser un peu plus les malades.
Au coeur de l'été, en toute discrétion, le gouvernement a donné un tour de vis supplémentaire à la surveillance des arrêts de travail dus à une maladie ou un accident. Dans le but de mieux contrôler ces arrêts, le décret du 24 août 2010 apporte deux nouvelles dispositions. Tout d'abord, il est désormais possible d'interrompre le versement des indemnités journalières (IJ) par la Sécurité sociale sur l'avis d'un médecin contrôleur envoyé et rémunéré par l'employeur. En cas de contestation, le salarié dispose d'un délai de dix jours pour demander un examen de sa situation par le médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance maladie.
La seconde disposition prévoit un contrôle supplémentaire d'un salarié qui serait une nouvelle fois en arrêt dans les dix jours suivant une décision de suspension des IJ. " Je prescris, par exemple, un premier arrêt de travail pour cause de lombalgie qui n'est, pour l'Assurance maladie, pas justifié, illustre Didier Ménard, du Syndicat des médecins généralistes (SMG). Le salarié doit alors reprendre son activité professionnelle, mais je persiste à penser qu'il n'est pas en capacité de travailler et prescris un nouvel arrêt. Celui-ci est soumis d'office à l'avis du médecin-conseil. Ces mesures remettent en cause l'arrêt de travail en tant qu'outil thérapeutique. "
La critique porte aussi sur le fait de confier le contrôle, non plus seulement aux médecins-conseils de la Sécurité sociale, mais à des médecins mandatés par l'employeur. Les officines privées spécialisées dans la contre-visite médicale, dont les appréciations pouvaient avoir jusqu'à présent comme seule conséquence de suspendre les indemnités complémentaires accordées par l'employeur, vont dorénavant pouvoir peser sur le versement des IJ. Et donc exercer une pression plus importante.
Certes, leur avis peut être infirmé par le médecin-conseil de l'Assurance maladie, en cas de recours du salarié. " Nous conservons notre indépendance décisionnelle, estime Jean-François Gomez, du Syndicat général des praticiens conseils CFE-CGC. Nous appliquons d'ailleurs la consigne du Conseil de l'ordre, qui soumet notre décision à la pratique préalable d'un examen sur la personne concernée. "
Rupture de confiance
Mais comment garantir, dans un contexte de restriction budgétaire, que les médecins-conseils auront toujours la possibilité d'exercer cet examen complémentaire ? Pour le Syndicat national des psychiatres privés, cette intrusion d'un tiers dans le processus de soins est également porteuse de risques cliniques : " Elle peut provoquer une rupture de confiance envers le médecin prescripteur et mettre en danger nos patients en grande souffrance psychique. Ces mesures jettent encore davantage la suspicion sur les arrêts de travail ", note le Dr Yves Froger.
Ce n'est pas la première fois que les arrêts de travail font l'objet d'un contrôle resserré. Depuis la loi Douste-Blazy de 2004 réformant l'Assurance maladie, ceux-ci sont principalement analysés sous l'angle de la fraude et des abus. " Leur baisse est un des critères conditionnant les augmentations tarifaires des médecins ", regrette Didier Ménard. Pourtant, les IJ continuent de progresser (+ 5,5 % en 2009). " Cette augmentation est un révélateur du "mal travail", relève Jean-François Naton, de la CGT, mais au lieu d'interroger ce problème de fond, le contrôle s'intensifie et accroît la culpabilisation des salariés. "
Cette politique de la défiance s'étend maintenant à la fonction publique. En septembre, le gouvernement a décidé d'expérimenter pendant deux ans le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires, qui sera exercé non plus par les services de l'Etat, mais par l'Assurance maladie