" La biosurveillance, pour une prévention plus efficace "
Le 30 mai, l'Anses1 consacrait ses Rencontres scientifiques aux biomarqueurs d'exposition. Expert en pathologies professionnelles, le Pr Jean-Claude Pairon fait le point sur ces outils d'évaluation et de surveillance des risques chimiques.
- 1
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Des recherches sur la surveillance des risques sanitaires s'appuient sur l'utilisation de biomarqueurs. De quoi s'agit-il ?
Jean-Claude Pairon : Une exposition à des substances toxiques professionnelles est généralement évaluée au moyen d'une métrologie de l'air. Cela permet, notamment, de vérifier le respect des valeurs limites d'exposition. Mais cette métrologie n'est pas suffisante, car elle ne prend pas en compte les autres modalités d'absorption des composés. Un travailleur peut être exposé à une nuisance, et cela même s'il porte un équipement de protection respiratoire, car une molécule peut aussi passer par la voie cutanée ou digestive. Par exemple en cas de contamination des mains, avec contact main-bouche. L'approche biologique des expositions peut ainsi révéler la présence de polluants ou de leurs métabolites dans l'organisme. Les biomarqueurs d'exposition vont permettre de doser des polluants dans des prélèvements effectués dans divers milieux biologiques comme le sang, l'urine, la salive... Les biomarqueurs d'effet sont également utilisables. On cherche alors à mettre en évidence une anomalie biologique témoignant d'un dysfonctionnement débutant au niveau d'un organe cible.
Quels sont les apports de ces outils pour le suivi des travailleurs exposés à des toxiques ?
Les expositions étant bien mieux renseignées, puisque toutes les voies d'entrée des toxiques sont prises en compte, cette biosurveillance permet d'assurer un meilleur suivi individuel par la médecine du travail. Elle permet aussi de renforcer la prévention vis-à-vis de la survenue ultérieure de maladies, dont les cancers professionnels. Les résultats de ces examens, pratiqués sur des personnes volontaires, restent couverts par le secret médical, mais rien n'empêche de procéder à une analyse collective des informations recueillies. Par exemple, si un ensemble de salariés occupant un poste similaire et portant les mêmes masques présente des valeurs supérieures à la valeur-guide, il faut se pencher sur les conditions réelles d'exposition et détecter les autres portes d'entrée à l'origine d'une contamination. Si, au contraire, les résultats des tests d'un salarié sont très élevés par rapport à la moyenne de ses collègues, on effectuera une analyse des gestes et conditions de travail pour tenter d'identifier une tâche expliquant cette situation. La biosurveillance permet in fine de mettre en place une approche préventive plus efficace.
Vous avez piloté une étude multirégionale relative à la surveillance postprofessionnelle pour le risque amiante. Quels en sont les premiers résultats ?
J.-C. P. : A la suite d'une exposition à l'amiante, une partie des personnes développe des plaques pleurales. L'étude vise, entre autres, à analyser les relations entre cette pathologie spécifique de l'amiante et la survenue d'un cancer des poumons ou d'un mésothéliome. Pour cela, un premier groupe de personnes présentant des plaques pleurales a été comparé avec un second groupe indemne de plaques, en prenant en compte le niveau d'exposition à l'amiante. Les résultats préliminaires montrent que le risque de développer un mésothéliome pleural est plus élevé chez les individus du premier groupe.