Branche AT-MP : les salariés financeront-ils le déficit ?
La branche accidents du travail-maladies professionnelles a toujours été financée par les seuls employeurs. Pourtant, un rapport du Sénat propose de basculer son déficit sur une caisse alimentée par les cotisations des salariés.
Comment combler le déficit accumulé depuis 2007 par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale ? Les réponses apportées récemment à cette question par deux sénateurs pourraient être lourdes de conséquences, du moins pour certaines d'entre elles. Dans un rapport d'information1 , commandé par la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (Mecss) et rendu en juillet, les sénateurs de la commission des Affaires sociales Catherine Deroche (UMP) et Jean-Pierre Godefroy (PS) suggèrent en effet de transférer le déficit de la branche AT-MP à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Or cette caisse est alimentée par les cotisations des salariés, via la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS
Comptes non certifiés
Ce serait un sérieux accroc aux principes qui régissent le fonctionnement de cette branche. Depuis une loi de 1898, le financement de l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles repose intégralement sur les entreprises, afin notamment de les inciter à la prévention. Les salariés n'ont jamais eu à cotiser pour ce risque. En outre, la branche AT-MP est prévue pour être à l'équilibre. "Si on socialise la dette, cela aura un impact désastreux sur la prévention", relève Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath (Association des accidentés de la vie). Il est à noter que, en 2010, le Sénat avait refusé cette voie. En effet, le gouvernement avait déjà proposé dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de faire porter la dette de cette branche par la Cades. Depuis, la question du déficit est restée en suspens. Parallèlement, par deux fois, en 2010 et en 2011, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche.
Dans leur rapport, les sénateurs évoquent deux autres solutions pour résorber un déficit qu'ils n'ont pas pu, à leur stupéfaction, évaluer précisément, puisqu'ils le situent dans une fourchette allant de 1,7 à 2,2 milliards d'euros. Ils proposent ainsi d'augmenter les cotisations dues par les entreprises. La solution "la plus conforme à la logique assurantielle de la branche", relèvent-ils. "Une augmentation progressive du montant des cotisations suivie de leur baisse une fois la dette apurée" est pour ces élus "envisageable". Enfin, autre possibilité, qui a la faveur des rapporteurs : la dette accumulée serait portée par la Cades, tandis que le fonctionnement de la branche serait équilibré via la hausse des cotisations patronales. Cette dernière solution pose néanmoins le même problème que la première. Et le secrétaire général de la Fnath de s'interroger : "Pourquoi a-t-on laissé filer le déficit ?"
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"Le financement de la branche AT-MP : préserver le dialogue social - revenir à l'équilibre", par Catherine Deroche et Jean-Pierre Godefroy, rapport d'information n° 657, 11 juillet 2012. Document accessible sur www.senat.fr