Cancer professionnel : bitume et goudron sur le banc des accusés
Un procès intenté par la famille d'un ouvrier décédé en 2008 d'un cancer de la peau s'est ouvert contre la société Eurovia, lundi 12 avril, au tribunal des affaires de Sécurité sociale de Bourg-en-Bresse. Employé de cette filiale du groupe Vinci spécialisée dans la construction des routes, Francisco Serrano Andrade avait été exposé au goudron et au bitume pendant une vingtaine d'années. Selon le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP), le cancer est lié à une exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) contenus dans le bitume manipulé par l'ouvrier.
Suivant le produit utilisé (goudrons bruts ou raffinés, huiles de fluxage...), la durée et la nature des expositions (inhalations ou contacts), plusieurs pathologies sont imputables aux HAP, notamment les cancers de la peau, des poumons et de la vessie. Depuis les années 1980 où ils étaient fortement utilisés, les produits houillés ont progressivement laissé la place à des composants moins concentrés en HAP. Les températures d'utilisation de certains bitumes ont également été réduites, afin d'obtenir des concentrations atmosphériques moins élevées en polluants. En dépit de ces mesures préventives, observe le Dr Michel Falcy, toxicologue à l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), « le nombre de décès liés aux HAP ne devrait pas diminuer de si tôt, car ces cancers mettent entre vingt et quarante ans pour se manifester ».
Compte tenu des sous-déclarations, le nombre de maladies professionnelles associées aux HAP semble difficile à définir. Actuellement, entre 20 et 30 cas de pathologies liées à la seule exposition au goudron sont déclarés chaque année. Selon Michel Falcy, « les risques de sous-déclaration sont nombreux, car les travailleurs de nos routes ne sont pas forcément d'origine française et retournent dans leur pays à la fin de leur carrière professionnelle. S'ils développent des cancers, c'est malheureusement chez eux ».
Actuellement, près de 15 000 personnes seraient confrontées au bitume dans le cadre de leur activité. Et malgré le décret CMR de 2001 relatif à la prévention des risques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, beaucoup d'employeurs n'imposent toujours pas le port d'une combinaison, de chaussures fermées et de gants imperméables à leurs salariés.