Des cancers pas (assez) significatifs ?

par
© N. M./FNMF © N. M./FNMF
Serge Volkoff statisticien
/ janvier 2009

Un article scientifique peut-il affirmer à la fois qu'une exposition multiplie par six la probabilité d'une pathologie grave et que ce résultat n'est pas statistiquement significatif parce qu'il a 5,1 % de chances d'être dû au hasard, soit juste un peu plus que les 5 % usuellement admis en la matière ?

On a du mal à l'imaginer. C'est pourtant ce qui s'est produit dans le sérieux British Journal of Cancer. L'étude porte sur les risques de tumeur au cerveau liés à l'usage des téléphones portables1 . En cas d'utilisation longue (plus de dix ans ou plus de 1 000 heures), la probabilité de gliome - une tumeur qui se développe à partir des tissus nerveux - apparaît 5,84 fois plus forte. Seulement voilà, compte tenu du nombre de cas observés, le fameux seuil des 5 % de doute est légèrement dépassé. On ne peut donc pas conclure...

Cette présentation des résultats a suscité des réactions d'indignation chez certains lecteurs, à commencer par Lloyd Morgan, directeur du registre national américain des tumeurs2 . Pourtant, les auteurs ont ici au moins indiqué le niveau de risque et le niveau de doute, ce qui permet à chacun de se faire son idée. Dans combien d'articles voit-on pulluler la seule mention "n. s.", pour "non significatif", sans autre indication ? Dans combien de cas lit-on ensuite un autre article qui signale simplement qu'"Untel n'a pas trouvé de relation entre telle exposition et telle pathologie" ? Ou pire : "Selon Untel, il n'y a pas de relation..."

Il est bon d'user de tests statistiques, afin d'éviter d'appuyer des affirmations sur des faits fortuits. Mais le seuil des 5 % demeure une convention. Il serait dangereux que cette convention décide finalement des domaines où des actions de prévention s'imposent.