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Le casse-tête du burn-out

par Clotilde de Gastines / 04 juin 2019

L’adoption, la semaine dernière, d’une nouvelle classification internationale des maladies a relancé le débat sur le burn-out. L’Anses estime que la question de la reconnaissance de l’origine professionnelle des pathologies psychiques est « légitime ».
 

Ce n’est pas pour cette fois ! Le burn-out n’est toujours pas une maladie professionnelle. « En France, le débat est a priori clos depuis l’avis de la Haute Autorité de santé de mai 2017 considérant que le burn-out n’est pas une maladie », expose le Pr Gérard Lasfargues, directeur général délégué « sciences pour l’expertise » à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
Le concept, qui trouve toujours un écho médiatique très fort, est revenu à la une la semaine dernière, quand l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a spécifié le caractère professionnel du burn-out à l’occasion de l’adoption de la nouvelle classification internationale des maladies, onzième du nom (CIM-11). Pour autant, le burn-out ne passe toujours pas dans la catégorie des maladies mais relève des « problèmes associés à l’emploi ou au chômage ». La nouveauté, c’est que la définition évacue le « burn-out parental » et reprend les trois critères traditionnels de la psychologue américaine Christina Maslach – épuisement émotionnel, cynisme et déshumanisation, baisse de l’efficacité professionnelle –, comme l’explique dans un long thread sur Twitter Quentin Durand-Moreau, médecin du travail et membre du comité de rédaction de Santé & Travail.

« Ouvrir une nouvelle page »

« Le burn-out reste un concept un peu fourre-tout », estime le Pr Lasfargues, alors qu’il existe « des entités nosologiques beaucoup plus claires, comme la dépression, l’anxiété ou le stress post-traumatique, et avec la notion de souffrance au travail au sens large ». Le débat sur le fait que le burn-out soit ou non une maladie ne doit pas occulter, selon lui, « le lien entre le travail, certains modes de management et des pathologies psychiques bien identifiées, comme des dépressions sévères pouvant aboutir à des conséquences dramatiques, telles que les suicides ».
« Il faut ouvrir une nouvelle page, plaide ce responsable de l’Anses. Ce qui nous importe, c’est d’améliorer la prévention des pathologies psychiques liées au travail et de garantir l’indépendance des acteurs de la prévention lorsqu’ils font le lien entre l’activité et la santé mentale », allusion aux poursuites menées par l’Ordre des médecins à l’encontre de plusieurs professionnels.
Faut-il pour autant créer un nouveau tableau sur les pathologies psychiques liées au travail ? « La question est légitime », répond le directeur général, qui précise que la décision revient au ministère du Travail et aux partenaires sociaux dans le cadre du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct). L’Anses a en charge l’expertise scientifique lors de la création des tableaux, mais « n’a pas la main sur l’agenda des discussions », rappelle un observateur.

Une sous-déclaration inquiétante

Actuellement, la dépression, les troubles anxieux et certains états de stress post-traumatiques peuvent déjà être reconnus en maladie professionnelle au titre de l’article L. 461-1 (alinéa 4) du Code de la Sécurité sociale. La maladie doit présenter une gravité justifiant un taux d’incapacité permanente (IP) égal ou supérieur à 25 %, ou un « taux final prévisible de 25 % », et présenter un lien « direct et essentiel » avec l’activité professionnelle. Comme l’appréciation est soumise à des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP), de fortes disparités persistent entre les régions.
Entre 2010 et 2017, le nombre de troubles psychiques reconnus en maladie professionnelle est passé d’environ 50 à 800. Un constat qui ne doit pas faire oublier que la sous-déclaration constitue un phénomène inquiétant. En effet, sur la même période, le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P), animé par l’Anses, a recensé plus de 18 000 cas imputables au travail de façon probable ou certaine.
Les organisations syndicales pensent que la création d’un tableau et l’augmentation des cotisations afférentes encourageraient les employeurs à faire davantage de prévention, mais elles se sont heurtées au refus des organisations patronales. Quant aux propositions législatives, le socialiste Benoît Hamon (en 2016) et l’insoumis François Ruffin (en 2018) s’y sont déjà cassé les dents.