Des cellules un peu trop sur écoute
La récente enquête menée par un chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET-Cnam) ne devrait pas manquer d’alimenter le débat sur les cellules téléphoniques qui prennent en charge la souffrance au travail. En portant son attention sur un dispositif de ce type mis à la disposition de 50 000 agents d’une administration territoriale, le sociologue Romain Juston Morival montre les « tensions et ambiguïtés » de cette démarche. La première concerne le double enjeu d’une écoute de qualité. Les répondants doivent à la fois conduire un entretien téléphonique le plus naturel possible et recueillir des éléments quantifiables, qui serviront à nourrir une base de données permettant de poser un diagnostic collectif sur l’état de santé des agents. « Une bonne écoute est particulièrement difficile à mener du fait de ses finalités plurielles », peut-on lire dans le numéro 155 de Connaissance de l’emploi, publié le 5 février 2020. La nature même de l’écoute pose également question. Dans l’absolu, écrit le chercheur, « la professionnelle est censée retranscrire ce qu’on lui dit de la manière la plus neutre possible ». Seulement, les termes prononcés par l’appelant sont parfois réinterprétés par l’écoutante sur sa fiche, voire suggérés pendant l’entretien, en vue notamment de faciliter l’orientation ultérieure vers un professionnel de santé. Enfin, le travail d’écoute confronte à une difficulté : la possibilité d’une procédure de signalement lorsque les propos de l’agent alarment le répondant. Ce qui implique la levée de l’anonymat pour recourir à l’intervention d’un tiers.