« La CFDT est favorable à la révision des ordonnances de 2017 »
L’étude de l’Ires constate une dégradation des capacités de prise en charge des questions de santé au travail depuis les ordonnances de 2017 et l’instauration d’une instance représentative du personnel unique. Comment expliquez-vous cet échec ?
Isabelle Mercier : A l’origine, la CFDT était plutôt favorable à l’instauration d’une instance traitant à la fois des enjeux économiques et de santé au travail. Dans la situation d'avant 2017, les membres des comités d’hygiène, de santé, et des conditions de travail (CHSCT) étaient des spécialistes des questions de santé au travail mais ne dialoguaient pas suffisamment avec les membres des comités d’entreprises (CE). Or, les restructurations, ou les évolutions stratégiques, entraînent forcément des répercussions sur la santé des travailleurs. Avoir une instance qui mêle ces deux visions nous paraissait intéressant mais, malheureusement, les moyens accordés au comité social et économique (CSE) n’ont pas été à la hauteur des enjeux.
Qu’entendez-vous par là ?
I. M. : Du fait de la diminution globale du nombre de mandatés et d’heures de délégation, les représentants du personnel disposent de moins de temps pour rencontrer des salariés. Dans les entreprises organisées en multisites par exemple, les instances de représentation des personnels se sont davantage centralisées et ont donc été éloignées du terrain et des problématiques concrètes. La multiplication des sujets à traiter, discuter, et négocier par le CSE fait qu’au bout du compte, la question de la santé passe à la trappe et n’est plus traitée nulle part. Les ordonnances de 2017 sont un échec du point de vue de la santé des travailleurs.
Quelles pistes d’améliorations proposez-vous ?
I. M. : Dans un contexte d’usure professionnelle et de recul de l’âge de départ à la retraite, les enjeux de santé au travail sont majeurs. Cette étude factuelle vient appuyer un certain nombre des arguments de la CFDT en faveur d’une révision des ordonnances de 2017, d’autant que la négociation en cours sur le « Pacte de la santé au travail » peut être l’occasion d’obtenir certaines de nos revendications.
En particulier, nous demandons le renforcement des représentants de proximité avec une dimension santé au travail et davantage de moyens pour se rendre sur le terrain [depuis 2017, les CSE ont la possibilité de mettre en place des représentants de proximité (RP), mais l’étude de l’Ires indique que leur rôle reste mal défini, et qu’ils n’existent que dans certaines grandes entreprises, NDLR]. Nous souhaitons également l’abaissement des seuils de création obligatoire des CSSCT de 300 à 50 salariés. Et enfin, nous proposons l’instauration d’antennes spécialisées sur les questions de santé au travail, au sein même des CSSCT, capables de développer des dispositions de prévention et qui puissent avoir librement recours aux expertises extérieures (médecine du travail, avocats, cabinets d’expertise…), et ce sans conditions de financement, comme cela était le cas pour les CHSCT.