Christine Castejon : "Le CSE ne pourra pas poursuivre l'action des CHSCT"
Analyste du travail, elle a coorganisé en décembre une "assemblée nationale pour les CHSCT". Selon elle, la dilution de cette instance au sein du futur comité social et économique fera passer au second plan les enjeux de santé au travail.
Une journée de mobilisation pour la défense des CHSCT s'est tenue le 4 décembre, à Paris. Comment et pourquoi est née l'initiative ?
Christine Castejon : Lors de la parution des ordonnances Macron, la suppression annoncée du CHSCT - sous couvert de fusion des instances représentatives du personnel - avait provoqué une première réunion à l'intitulé très parlant : "Qui a peur des CHSCT ?". Les échanges, toniques et non résignés, ont conduit à l'organisation de cette "assemblée nationale pour les CHSCT", à l'initiative d'une vingtaine de personnes d'horizons variés. Il fallait en effet donner la parole aux membres de ces instances sur leurs actions, leurs conquêtes, leurs difficultés, eux qui sont les porteurs principaux des questions de santé au travail. Nous partageons une conviction : partout, y compris dans les petites entreprises, dans l'intérim ou chez les sous-traitants, il devrait y avoir une instance dédiée - quel que soit son nom - ayant suffisamment d'élus, de moyens, d'heures de délégation, de pouvoir d'expertise pour traiter tous les sujets de santé au travail. Les CHSCT ont permis de révéler bien des maux dont la presse se fait l'écho ponctuellement, comme les méfaits des réorganisations ou des transformations numériques mal maîtrisées, la souffrance au travail, les effets de la sous-traitance pilotée par le principe du moins-disant... Ils abordent aussi des questions dont on ne parle pas beaucoup, le quotidien des conditions réelles de travail. On peut trouver leurs résultats globalement insuffisants, leurs moyens étant encore faibles au regard des besoins. Mais avant de les supprimer, pourquoi ne pas avoir fait un bilan de leur action ? On aurait vu alors clairement à quoi ils servent... et pourquoi ils font peur.
Certains spécialistes pensent que traiter la santé au travail dans le comité social et économique (CSE), qui fusionne délégués du personnelcomité d'entreprise et CHSCT, permettra d'éviter une spécialisation et favorisera une prise en charge par l'ensemble des élus. Qu'en pensez-vous ?
C. C. : On pourrait y croire s'il n'y avait pas une diminution globale des moyens d'action de l'instance. Le futur CSE, instance unique en charge de l'ensemble des sujets économiques et sociaux, ne pourra pas poursuivre ce qu'ont démarré les CHSCT. Les élus surchargés seront à distance des problèmes et la prédominance des considérations économiques sur les enjeux - essentiels - de santé au travail, déjà présente aujourd'hui, s'accentuera. Les ordonnances Macron réduisent en fait les capacités d'action dans tous les domaines. Par exemple, comment justifier de faire participer le CSE, donc les salariés, au financement d'une expertise portant sur une réorganisation décidée par l'employeur ? Et au détriment de quoi d'autre dans les missions du CSE ?
Quelles perspectives après la journée du 4 décembre ?
C. C. : L'assemblée a souligné son opposition à la suppression des CHSCT, qui ont joué un rôle de lanceurs d'alerte sur les risques professionnels. Elle a affirmé le refus de la subordination des questions de santé aux intérêts économiques et financiers. Les participants ont adopté un appel à une assemblée nationale pour la santé au travail, qui aura lieu en juin prochain et sera ouverte à tous : CHSCT, organisations syndicales, préventeurs, militants associatifs, chercheurs, citoyens, spécialistes de l'analyse du travail, de la santé au travail et du droit du travail. Nous sommes dans cette dynamique, chacun peut y contribuer via un forum de partage des expériences et des propositions1