L'aménagement des espaces de travail a une influence déterminante sur les conditions de travail des salariés. Les représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont donc, en permanence, concernés par cette question. Selon l'article L. 4612-8 du Code du travail, ils doivent être consultés avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou celles de travail ainsi que, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail.
Il arrive que des entreprises oublient, ne trouvent pas utile, voire refusent de consulter le CHSCT, au motif que les aménagements décidés seraient " mineurs ". Ces derniers peuvent néanmoins avoir une incidence importante sur les conditions de travail. Les représentants du personnel devront donc démontrer en quoi les changements proposés ne sont pas aussi mineurs que le prétend l'employeur. Ils doivent également veiller à ce que ces aménagements respectent bien les prescriptions légales ou réglementaires du Code du travail en matière d'hygiène et de sécurité (article L. 4612-1), notamment concernant la conception des locaux (voir article page 31).
Délit d'entrave
Une fois le principe de la consultation acté, les représentants du personnel doivent contourner plusieurs pièges. Le premier est celui de l'urgence décrétée par l'entreprise concernant le projet, qui peut aboutir à une consultation bâclée. Cet argument vise le plus souvent à éviter que le CHSCT n'émette un avis sérieux contrariant les fondements du projet. Dans ce cas, comme dans celui d'une non-consultation du CHSCT, l'employeur porte atteinte au fonctionnement régulier du CHSCT, ce qui constitue un délit d'entrave sanctionné par la loi (article L. 4742-1 du Code du travail). Dans le même ordre d'idée, les représentants du personnel doivent veiller à être consultés sur le projet lors de la définition des besoins, et non lorsque des plans définitifs, c'est-à-dire non susceptibles d'être modifiés en profondeur, auront été arrêtés.
Le deuxième piège consiste à se laisser enfermer dans une discussion sur les finalités économiques du projet. Les représentants du personnel au CHSCT ont pour mission prioritaire de protéger la santé au travail, et non de discuter la pertinence des objectifs de production ou des gains de productivité attendus par les entreprises. A contrario, relayer ces aspects auprès des membres du comité d'entreprise peut s'avérer utile, afin de développer une position commune. Les représentants du personnel ne doivent pas non plus se laisser cerner par les contraintes financières. A ce propos, il est utile de rappeler que la directive européenne n° 89/391 considère que la prise en charge des questions de santé au travail ne doit pas être subordonnée à des considérations économiques.
Dernier piège à éviter : cantonner la consultation à un échange entre la direction et les représentants du personnel sur l'équipement des espaces de travail. Les représentants du personnel peuvent être tentés de donner un avis sur dossier. Or il ne s'agit pas en l'occurence d'un dossier, mais de nouvelles situations de travail pour leurs collègues, et il revient au CHSCT de vérifier que les aménagements proposés ne vont pas détériorer leurs conditions de travail. Une consultation sur un réaménagement des espaces de travail ne peut donc se résumer à choisir des équipements sur catalogue. Il est indispensable de recueillir l'avis des salariés. D'autant qu'ils sont plus à même de réaliser un choix de matériel, car ils connaissent mieux que quiconque leur activité et leurs besoins.
Lors de la consultation du CHSCT, les représentants du personnel doivent procéder par étapes. La première consiste à rassembler un certain nombre d'informations. Ils doivent ainsi exiger que le projet de l'entreprise leur soit présenté sous forme écrite, avec les détails de son application : plans, effectifs, équipements... Selon la nature du projet, les représentants du personnel prendront connaissance des textes réglementaires à appliquer : ceux concernant la conception des espaces de travail, la prévention de certains risques, mais aussi la formation des salariés, si cette dernière s'avère nécessaire au vu du projet. Pour compléter leurs connaissances, ils peuvent aller chercher des informations utiles et/ou commander de la documentation, notamment auprès de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS, voir " Sur le Net "). Attention, cependant, aux nombreux sites Internet qui proposent des solutions clés en main pour l'aménagement des lieux de travail. Il s'agit le plus souvent de sites de constructeurs d'équipements, qui utilisent le mot " ergonomie " à tout-va mais dont les préconisations ne peuvent être plaquées sur la situation spécifique de l'entreprise.
La parole à tous les salariés
Après avoir étudié les informations qu'ils ont rassemblées, les représentants du personnel doivent engager un travail de consultation auprès des salariés concernés. Car seule une véritable consultation des salariés leur permettra d'émettre un avis documenté et légitime. Par " salariés concernés ", il faut entendre bien sûr ceux présents quotidiennement dans les espaces de travail réaménagés, mais aussi ceux installés à la périphérie, notamment lorsque leur activité est liée à celle des premiers, et enfin ceux appelés à intervenir ponctuellement dans ces espaces : personnels de maintenance, agents d'entretien...
Classiquement, cette consultation des salariés passe par une présentation des plans, lorsqu'ils existent. Mais cela ne suffit pas. Tous les salariés n'arrivent pas à se projeter sur un plan. Il faut donc veiller à la bonne lecture et à la compréhension de celui-ci. Une maquette peut être plus explicite. Un texte d'accompagnement, expliquant les conséquences du projet, peut également aider. Surtout, les représentants du personnel doivent éviter de reproduire le discours de la direction et aider les salariés à réfléchir par eux-mêmes sur leur propre activité. Les salariés ont une connaissance fine du travail à réaliser et pourront dès lors percevoir les difficultés auxquelles ils seront confrontés dans la nouvelle configuration des locaux. Il est important de discuter avec eux de séquences de travail particulières : gestion de pannes, variations saisonnières, intervention d'entreprises extérieures. Il ne s'agit pas pour autant de s'engager dans une démarche d'analyse ergonomique. Si la situation, jugée trop complexe, nécessite une démarche de ce type, le CHSCT pourra faire appel à un expert agréé, dans les conditions prévues par le Code du travail (articles L. 4614-12 et 13 et L. 4523-5).
Expertise ou pas, les représentants du personnel devront de toute façon confronter leurs observations à celles des salariés avant de rédiger leur avis, pour que celui-ci puisse remplir pleinement son objectif : rapatrier la réalité du terrain dans le projet, afin d'alerter les concepteurs, souvent très éloignés de cette réalité, sur les éventuelles incompatibilités des aménagements proposés avec l'activité des salariés.