Combat de médecins dans l'arène judiciaire
Le procès que la puissante Compagnie des mines de Lens (Pas-de-Calais) intente en 1909 au Dr Hémery, un généraliste membre du Syndicat national de médecine sociale (SNMS), illustre le conflit entre les médecins "des ouvriers" et ceux "des patrons". Hémery est accusé d'avoir délivré un certificat médical de complaisance à un mineur blessé, alors que le médecin de la Compagnie, visitant deux jours plus tard l'ouvrier convalescent, a constaté l'absence de lésion et mis en doute la réalité de l'accident, en dépit des témoins oculaires. Le SNMS dénonce systématiquement l'"optimisme exagéré" de la médecine patronale, en particulier du service médical des mines de Lens, qui nie ou sous-estime les blessures et prévoit toujours une guérison inconsidérément rapide des accidentés.
Le soutien du Dr Hémery s'organise. Les journaux syndicaux La Voix du mineur et La Voix des verriers témoignent de la solidarité des ouvriers lensois à l'égard du médecin inculpé, dénonçant les malversations de la compagnie minière pour se défaire de celui qui est, selon le SNMS, "devenu un obstacle sérieux à l'oppression par la Mine des blessés du travail". Au terme d'un an de procédure, la victoire commune est triomphale : le tribunal de Béthune acquitte Hémery et condamne la Compagnie, attestant par là l'existence, au sein de la médecine patronale, de pratiques douteuses qui remettent en cause le fonctionnement de la loi de 1898 sur les accidents du travail.