Comment recourir à un expert habilité ?
La législation prévoit que les élus du personnel puissent faire appel à des spécialistes pour les appuyer sur les questions de santé et conditions de travail. C’est le droit à l’expertise. Mode d’emploi en images.
A quoi sert une expertise ?
Si le recours à un expert n’est pas une fin en soi, cela reste un outil prévu par le Code du travail (article L. 2315-94) à destination des représentants du personnel, pour les aider à exercer leurs prérogatives sur les questions de santé, sécurité et conditions de travail. Un dispositif précieux dont les élus du CSE auraient tort de se priver.
L’expertise doit notamment leur permettre d’établir un diagnostic argumenté sur les liens entre risques professionnels et conséquences sur la santé, ou sur les difficultés du travail rencontrées par des équipes. Elle peut également proposer des pistes pour la prévention des expositions ou pour améliorer des situations délétères — actuelles ou prévisibles, lorsqu’il s’agit de projets de transformation. C’est un soutien utile pour la rédaction d’avis argumentés lors des informations-consultations obligatoires du CSE.
L’intervention d’un expert présente par ailleurs des bénéfices indirects, en renforçant les compétences des élus, en mobilisant les salariés sur leurs propres conditions de travail. La mise en évidence de la responsabilité de l’employeur face à son obligation de sécurité participe aussi à l’instauration d’un rapport de forces.
A quel moment ?
Les représentants du CSE peuvent faire appel à un expert habilité dans deux situations :
1/ En cas de risque grave pour la santé et la sécurité, qu’il s’agisse d’un risque physique (accident du travail, exposition à des produits toxiques, etc.) ou psychosocial (tensions dans une équipe, harcèlement, épuisement professionnel…).
2/ En cas de projet important susceptible d’avoir un impact sur l’organisation et les conditions de travail (une réorganisation, un déménagement, une nouvelle machine dans un atelier, un changement de progiciel de gestion comptable, financière, logistique, etc.). Attention : lors d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), une expertise spécifique peut être déclenchée sur les conséquences en matière de conditions et d’organisation du travail, en même temps que celle portant sur les volets économiques et sociaux (art. L. 1233-34).
Qui paye ?
L’expertise concernant un risque grave reste entièrement financée par l’employeur, de même que celle demandée lors de l’information-consultation sur un PSE.
En revanche, depuis les ordonnances Macron de 2017, les expertises pour projet important sont cofinancées : 80 % du montant sont pris en charge par l’employeur, les 20 % restants le sont par le CSE. Cette disposition ne s’applique toutefois pas dans deux cas de figure : un accord spécifique entre les organisations syndicales (ou le CSE) et l’employeur a été signé, ce dernier acceptant de financer la totalité du coût de l’expertise ; le budget de fonctionnement de l’instance est structurellement insuffisant pour prendre en charge la quotepart qui lui revient.
Comment déclencher une expertise ?
Toutes les expertises sont votées lors d’une réunion de CSE, après une délibération des élus. Ces derniers doivent faire figurer dans ce texte les points suivants :
– Dans une expertise pour risque grave, il faut insister sur les éléments tangibles et factuels de dégradation des conditions de travail et/ou de menaces d’atteintes à la santé, dûment constatés et toujours bien présents dans l’entreprise.
– Dans une expertise pour projet important, l’employeur prend l’initiative en sollicitant le CSE dans une procédure d’information- consultation. La délibération doit indiquer que l’expertise vise à permettre aux élus de rendre un avis argumenté, éclairé, motivé. Il faut rappeler en quoi le projet est susceptible de modifier substantiellement les conditions de travail des salariés, quel que soit le nombre de personnes impliquées. Il est important de spécifier les attentes en matière d’analyse pour que soit bien mesuré l’impact du projet sur les conditions de travail et la santé des salariés concernés, en précisant le périmètre de ce projet.
Eviter une contestation de l’employeur
Les contentieux judiciaires, dont le coût est désormais à la charge des CSE, sont particulièrement nombreux, notamment sur les expertises pour risque grave. C’est pourquoi la délibération doit être bien préparée et solidement argumentée.
L’employeur dispose d’un délai de dix jours à compter de la délibération du CSE pour contester en justice le principe de l’expertise ou le choix de l’expert. Avant sa désignation, il est donc primordial d’avoir des échanges avec cet expert pour contrer son éventuelle remise en cause.
L’employeur peut également contester le coût prévisionnel, le champ ou la durée de l’expertise, dans les dix jours qui suivent la réception du protocole ou du cahier des charges. Dans ce cas, c’est à l’expert d’être en capacité de justifier sa méthodologie de travail et les coûts induits.
Des délais serrés
L’expertise pour risque grave doit être réalisée dans un délai de deux mois, délai éventuellement renouvelable une fois (soit au total quatre mois) par accord entre le CSE et l’employeur.
L’expertise pour projet important s’inscrit dans le délai de l’information- consultation à laquelle elle se rapporte. Celui-ci est déterminé par la loi (entre deux et trois mois). Mais sa durée peut aussi être négociée dans l’accord de fonctionnement du CSE ou simplement être décidée dans le contexte même de l’information-consultation en cours.