Conditions de travail : le Conseil d'orientation prend ses quartiers

par Eric Berger / juillet 2009

Créé par un décret de novembre dernier, le Conseil d'orientation sur les conditions de travail est désormais officiellement installé. Les acteurs de la prévention attendent beaucoup de cette instance qui va élaborer un second plan santé-travail.

Service minimum pour le lancement du Coct, le Conseil d'orientation sur les conditions de travail. La réunion d'installation du 30 avril dernier, présidée par Brice Hortefeux, alors ministre du Travail, est passée pratiquement inaperçue. Elle a également déçu certains membres de cette nouvelle structure. " Ce n'était pas à la hauteur de l'événement ", regrette ainsi Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath, Association des accidentés de la vie. " Le discours, sans grande envergure, était distillé par un ministre qui s'est même absenté un quart d'heure pour prendre le président de la République au téléphone ", déplore un autre participant.

Le Coct, qui succède au Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP), est pourtant censé jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la santé au travail et l'amélioration des conditions de travail. " Nous évoluons d'une prévention des risques administrée vers une structure plus dynamique, capable de mettre en perspective des données produites par différents organismes de prévention ", explique Henri Forest, de la CFDT. " Nous disposons de l'outil dont nous avions besoin pour relever le défi de la transformation des conditions de travail ; il reste maintenant à le faire vivre ", ajoute Jean-François Naton, de la CGT.

 

Observatoire de la pénibilité

C'est Xavier Bertrand qui, à la suite des deux conférences nationales sur la santé et la sécurité au travail, avait décidé de créer une organisation plus active en s'inspirant d'organismes existants comme le Conseil d'orientation des retraites (COR) ou celui pour l'emploi (COE). Tout comme ses aînés, le Coct est conçu comme une instance de concertation qui a pour vocation d'établir un diagnostic partagé, portant en l'occurrence sur les questions de santé au travail et notamment sur le sujet sensible de la pénibilité. Le comité sera en effet assisté d'un observatoire spécifique chargé, entre autres, d'apprécier pour les secteurs public et privé les activités ayant une incidence sur l'espérance de vie. Autre nouveauté, le Coct intègre dans son périmètre le secteur agricole, qui ne relevait pas précédemment du CSPRP. " Le CSPRP ne se réunissait en assemblée plénière qu'une seule fois par an, indique Mireille Jarry, sous-directrice des Conditions de travail au ministère. Son rôle était de ce fait limité à se prononcer sur des projets de textes réglementaires. Ce n'est pas le cas de cette nouvelle instance, appelée à émettre des recommandations et des avis permettant aux partenaires sociaux d'exprimer des orientations stratégiques en matière de santé au travail. "

Le Coct est doté d'un comité permanent composé d'une cinquantaine de représentants des administrations, des différentes agences de prévention, des organisations syndicales et patronales, mais aussi des associations de victimes. " Nous disposons enfin d'un véritable siège, et non plus d'un strapontin comme au CSPRP ", se réjouit Arnaud de Broca. " Les progrès vont ainsi venir d'une meilleure coordination entre tous ces acteurs impliqués dans la prévention des risques et l'amélioration des conditions de travail ", souligne Bernard Krynen, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et vice-président du Coct. Cet ancien inspecteur du travail, qui a occupé la fonction de directeur adjoint au cabinet d'Elisabeth Guigou en 2001, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a été choisi pour animer le conseil aux côtés de Daniel Lejeune, également de l'Igas, connu pour être l'auteur du rapport sur la traçabilité des expositions professionnelles et qui assurera le secrétariat général de cette nouvelle instance.

Après l'installation du Conseil en avril, les membres du comité permanent doivent se réunir le 7 juillet. " Nous allons fixer ensemble les modes de fonctionnement, déterminer la fréquence des réunions du comité permanent et élaborer le programme de travail ", précise Daniel Lejeune. Un premier chantier leur a d'ores et déjà été confié par Brice Hortefeux. Il s'agit de l'élaboration du nouveau plan santé-travail pour la période 2010-2014, qui va s'articuler autour de trois grands sujets : les risques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), les troubles musculo-squelettiques (TMS) et le stress. " Il faudra commencer par dresser un bilan des évolutions par rapport au premier plan, note Henri Forest. Il faudra également prendre en compte des risques émergents tels que les nanomatériaux. "

 

Avec quels moyens ?

Les responsables du Coct souhaitent produire annuellement une synthèse sur l'évolution des conditions de travail, un document orienté surtout vers une réflexion prospective sur les questions de santé au travail. Reste à savoir si le Coct aura les moyens de satisfaire ces ambitions. Son équipe se limite aujourd'hui à son vice-président, son secrétaire général et une assistante. " Nous avions souhaité, comme pour le COR et le COE, qu'il soit rattaché à Matignon pour permettre une transversalité avec les fonctions publiques et donner plus de puissance au dispositif, rappelle Henri Forest. Nous n'avons pas été entendus. Mais si, en plus, les moyens ne sont pas à la hauteur, le Coct n'atteindra jamais ses objectifs. " Les représentants des salariés et des associations de victimes ne manqueront pas d'interpeller le gouvernement sur ses intentions. " La capacité à obtenir des financements conséquents pour faire fonctionner ce conseil d'orientation sera un test, avertit Arnaud de Broca, un bon moyen d'évaluer les réelles ambitions du ministre. "

 

Ministère du Travail : six mois de perdus
François Desriaux

Brice Hortefeux n'aura fait qu'un passage éclair au ministère du Travail et guère eu le loisir d'y imprimer sa marque. Lors de l'installation du Coct, il n'était visiblement pas dans son milieu. Ne pas serrer les mains des partenaires sociaux en arrivant, quitter la " salle des accords " sans avoir pris la peine d'écouter leurs réponses à son discours constituent des fausses notes. Ses prédécesseurs, Gérard Larcher et Xavier Bertrand, savaient mieux s'y prendre. Certains de ses interlocuteurs se demandent même s'il s'était réellement investi sur ses dossiers, ou s'il n'avait pas déjà l'assurance de ne faire qu'une courte halte rue de Grenelle avant de rejoindre la place Beauvau tant désirée. Si tel était le cas, cela ferait de ce ministère une simple zone de délestage, ce qui paraît contradictoire avec l'importance donnée à la question sociale par le président de la République lors de sa récente allocution à l'Organisation internationale du Travail (OIT).

Toujours est-il que six mois ont été perdus.

Sur la santé au travail, le seul fait d'armes de M. Hortefeux restera l'annonce d'un second plan. Mais il laisse le soin à son successeur, Xavier Darcos, de remplir la copie. Tout juste aura-t-il un peu secoué l'establishment en annonçant qu'il fallait faire sur la prévention des risques professionnels le même effort que celui réalisé dans le domaine de la prévention routière. Cela provoqua quelques frémissements sur les bancs patronaux, qui craignirent un instant de voir débarquer des cohortes entières d'inspecteurs du travail armés de carnets à souches pour les verbaliser à tout-va !

Quant au dossier chaud de la pénibilité, en annonçant que la retraite à 67 ans n'était pas un sujet tabou, il ne facilite pas la tâche de l'ancien ministre de l'Education nationale.