Les conditions de travail dans le monde
L’Organisation internationale du travail (OIT) et la Fondation de Dublin viennent de rendre public un rapport inédit sur les conditions de travail à l’échelle mondiale. Pénibilité, travail intensif et inégalités de genre traversent les frontières.
Lundi 6 mai, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), dite « Fondation de Dublin », ont présenté un rapport intitulé Working conditions in a global perspective (Conditions de travail dans une perspective mondiale). Celui-ci offre une analyse comparative inédite de la qualité de l’emploi de près de 1,2 milliard de personnes dans 41 pays. Il recommande de placer le bien-être des individus au cœur des politiques, selon la formule du prix Nobel d'économie Joseph E. Stiglitz.
« Malgré les limites et les difficultés de l’exercice, cette somme de 200 pages contient des données recueillies et analysées ensemble pour la première fois », explique Agnès Parent-Thirion, chercheuse à la Fondation de Dublin et coauteure du rapport avec Julie Vanderleyden, David Foden (Eurofound), Mariya Aleksynska, Janine Berg et Hannah Johnston (OIT). Les données ont été récoltées dans le cadre de six études nationales (Etats-Unis, Chine, Corée du Sud, Argentine, Chili et Uruguay) et deux enquêtes transnationales, à savoir l’enquête européenne sur les conditions de travail menée auprès des 28 Etats membres et quelques pays voisins comme la Turquie et une enquête menée en Amérique centrale (Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama). Si certains pays, comme le Chili et l’Uruguay, menaient déjà des enquêtes, le Bureau international du travail a dû en convaincre d’autres de l’intérêt de l’exercice.
« Mêmes défis et préoccupations »
Diffusés auprès d’échantillons représentatifs de travailleurs, les questionnaires abordent, à travers une centaine de questions, les conditions de travail, les rémunérations, l’autonomie, l’intensité du travail, la vie personnelle et le travail domestique non rémunéré. « Cela permet de comprendre les équilibres et les compromis de chacun, précise Agnès Parent-Thirion. Chaque pays peut savoir où il en est, et sur quoi il peut agir pour améliorer la situation. »
En dépit de grandes différences en termes de structure économique, de marchés de l’emploi et de développement, les travailleurs sont « confrontés aux mêmes défis et préoccupations », écrivent les auteurs du rapport, qui analysent d’abord les tendances communes avant de revenir sur chaque pays ou ensemble de pays.
Il en ressort que l’exposition à des risques physiques est encore fréquente dans tous les pays. La moitié des travailleurs aux Etats-Unis, en Turquie, au Salvador et en Uruguay sont également soumis à des conditions de travail intensives (délais serrés et travail à cadence soutenue), contre un tiers des Européens. Quelque 25 % à 40 % des travailleurs occupent également des postes comportant des sollicitations émotionnelles.
« Partout, les femmes travaillent plus que les hommes »
Les différences de genre sont aussi cruciales pour comprendre les tendances en matière de conditions de travail dans le monde entier. Les questionnaires qui ont intégré la notion du travail non rémunéré aboutissent au constat que « partout sans exception, les femmes travaillent plus que les hommes et gagnent moins qu’eux ». Elles subissent une sorte de double peine, « du fait des discriminations très prégnantes sur les marchés du travail, et parce qu’on les renvoie à leur “rôle naturel” de tenir la maison et de prendre soin des enfants ».
Les longues journées de travail sont le lot quotidien de plus d’un tiers des travailleurs. « Cela redevient un problème très contemporain, car la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle s’efface avec le développement des plateformes de type Uber », observe Agnès Parent-Thirion.
Si le rapport a été rendu public dans son intégralité le 6 mai, les chapitres nationaux ont fait l’objet de débats tripartites dans chaque pays en 2017 et 2018, afin de favoriser l’appropriation du sujet par les partenaires sociaux.