Le Conseil d’Etat rétablit les critères de vulnérabilité pour le chômage partiel
Dans une ordonnance en référé du 15 octobre, le Conseil d’Etat a suspendu l’application des nouveaux critères très restrictifs de vulnérabilité au Covid-19, ouvrant droit au chômage partiel, définis par un décret du 29 août dernier.
Le Conseil d’Etat vient de tacler le gouvernement sur son décret du 29 août, restreignant l’accès au chômage partiel pour les personnes vulnérables au Covid-19 et susceptibles de contracter une forme grave de la maladie. Dans une ordonnance du 15 octobre, les juges du référé de la plus haute juridiction administrative ont en effet suspendu les articles 2, 3 et 4 de ce décret. En attendant de statuer sur le fond, ce sont donc les onze critères d’un précédent décret, celui du 5 mai 2020 qui s’appliquent à nouveau. C’est une victoire pour la Ligue nationale contre l’obésité et plusieurs requérants individuels qui avaient déclenché cette procédure dite de référé suspension. De son côté, le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’est immédiatement engagé à rectifier le texte.
De onze à quatre critères seulement
Nous nous étions inquiétés, dans un article du 18 septembre dernier, des conséquences du texte du 29 août. Concrètement, des onze critères de vulnérabilité ouvrant précédemment droit au chômage partiel, le gouvernement n’en retenait plus que quatre dans la nouvelle réglementation. Exit les personnes obèses ou diabétiques, de même que celles en insuffisance respiratoire. Exit également les salariés ayant un proche susceptible de développer une forme grave de Covid-19. Et par-dessus tout, les critères « survivants » étaient suffisamment restrictifs pour ne concerner en fait que très peu de salariés. Comme l’avaient souligné plusieurs médecins du travail, ainsi que le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), les personnes pouvant se réclamer des nouveaux critères n’étaient souvent déjà plus en emploi, au vu de leur état de santé. Quant aux autres salariés vulnérables, privés d’accès au chômage partiel à la suite de cette décision du gouvernement, ils allaient devoir reprendre leur travail, sans garantie sur la possibilité d’assurer efficacement leur protection. Dans bien des cas, cela représentait un casse-tête pour les médecins du travail.
« Doute sérieux sur la légalité »
Dans sa décision, le Conseil d’Etat estime à la fois que l’urgence de prononcer la suspension est motivée par les risques encourus par les personnes concernées et qu’un « doute sérieux sur la légalité du décret litigieux » existe. En l’espèce, les magistrats considèrent que le Haut conseil de la santé publique sur lequel le gouvernement prétend s’être appuyé pour rédiger son décret n’a pas modifié la liste des critères de vulnérabilité dans ses avis du 19 juin et du 23 juillet 2020, par rapport à celui émis dans son premier document daté du 20 avril. « Dans ces conditions, peut-on lire dans l’ordonnance, le moyen tiré de ce que le décret litigieux serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation dans le choix des critères de vulnérabilité apparaît propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à sa légalité. »