Le Conseil de l’ordre blâme un psychiatre de Technologia
Le Dr. Stéphanie Palazzi, psychiatre, collaboratrice du cabinet d'expertise Technologia, vient de se voir adresser un blâme par le Conseil de l'ordre des médecins, pour violation du secret médical. Cette sanction fait suite à l'« affaire » des autopsies psychiques menées sur plusieurs cas de suicides chez Renault.
Selon nos informations, la Chambre disciplinaire de première instance du conseil de l'ordre des médecins d'Ile-de-France a prononcé un blâme pour violation du secret médical, vendredi 21 octobre, à l'encontre du Dr. Stéphanie Palazzi, médecin psychiatre et collaboratrice du cabinet d'expertise Technologia. L'affaire a été jugée à huis clos le 21 septembre, après que le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) ait déposé plainte devant le Conseil de l'ordre au lendemain de l' « affaire » des autopsies psychiques menées par le cabinet Technologia sur plusieurs cas de suicides chez le constructeur automobile Renault. Une affaire révélée par Santé & Travail le 6 novembre 2009 (voir notre article « Suicides au travail : vers un scandale des "autopsies psychiques" ? »)1.
Le 19 octobre 2009, lors du procès pour faute inexcusable de l'employeur opposant Renault à la veuve d'un salarié qui s'était suicidé au Technocentre de Guyancourt (Yvelines), le constructeur automobile au losange avait utilisé pour sa défense les résultats d'une autopsie psychique menée par le Dr. Palazzi, à la demande conjointe de la Direction et du CHSCT. Comment le contenu de cette autopsie psychique, qui relève clairement du secret médical, s'était-il retrouvé entre les mains de l'employeur ? Tout simplement parce que le Dr. Stéphanie Palazzi, qui avait réalisé cet acte médical, avait consigné les informations recueillies dans une note présentée oralement au CHSCT de Renault et à la direction, en décembre 2007. Une note que Renault a produite comme pièce de sa défense devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale (Tass) de Nanterre, après que le procureur de la République ait exigé sa communication aux parties.
« Ce médecin a méconnu son obligation de respect du secret professionnel »
La chambre disciplinaire du Conseil de l'ordre, dans les attendus du jugement que Santé & Travail a pu consulter, considère que le Dr. Palazzi est bien intervenue à Renault « en sa qualité de médecin psychiatre » - ce que contestait le Dr. Palazzi qui soutenait avoir agi en tant que collaboratrice du cabinet Technologia - et qu'à ce titre, il lui appartenait de « respecter le secret professionnel » et l'ensemble des dispositions du Code de la santé publique.
Le Conseil de l'ordre estime « qu'il résulte des pièces du dossier que le Dr. Palazzi a rendu compte oralement devant les membres du CHSCT n° 2 puis devant des proches et collègues des personnes décédées, de l'analyse des trois cas de suicides sur lesquels ce médecin a enquêté, en mentionnant les noms des personnes concernées et en décrivant pour chacune d'elle le contexte psychologique de vie personnelle et professionnelle dans lequel s'est situé le suicide ; qu'en faisant ainsi connaître des informations obtenues à l'occasion d'entretiens dans des conditions indissociables de sa qualité de médecin, alors surtout que l'exposé des résultats de l'étude confiée à Technologia - qui (...) devaient se traduire par des préconisations sur l'amélioration des conditions de travail - n'imposaient nullement au Dr. Palazzi de procéder à un compte rendu nominatif des enquêtes personnalisées accomplies en cours de mission, ce médecin a méconnu son obligation de respect du secret professionnel ; qu'est sans effet sur cette appréciation la circonstance que l'exposé oral a été présenté « à titre confidentiel » devant des personnes elles-mêmes astreintes à une obligation de secret professionnel ; que, pour ce motif, la sanction du blâme sera prononcée à l'encontre du Dr. Palazzi. »
En revanche, le Conseil de l'ordre a admis que la remise au procureur de la République de Versailles, sur réquisition de celui-ci, d'une partie des travaux nominatifs du Dr. Palazzi ne saurait constituer un manquement au respect de l'obligation de secret professionnel. Les parties disposent d'un mois pour interjeter appel de cette condamnation.
1. A la suite de l'article de Santé & Travail du 6 novembre 2009, Le cabinet Technologia a contesté avoir employé la technique des autopsies psychiques chez Renault. Pour notre part, nous avions relevé que cette technique figurait bien dans les offres de service du cabinet jusqu'à l'« affaire » Renault et que les actions mises en œuvre chez le constructeur au losange s'apparentaient bien à des autopsies psychiques, quelle que soit l'appellation qui leur était donnée.