Le Conseil de l’ordre des médecins pris à son propre piège
Deux médecins du travail étaient jugés en appel, le 8 juin, par la chambre disciplinaire du Conseil de l’ordre, dans l’affaire des plaintes d’employeurs. L’un de ces médecins a démontré qu’il ne pouvait se défendre, en vertu du respect du secret médical.
Coup de théâtre au Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom). Une centaine de médecins du travail venus manifester, le 8 juin, leur solidarité à leurs confrères Dominique Huez et Bernadette Berneron, jugés en appel par la chambre nationale disciplinaire du Cnom, ont vu son président se faire piéger. Lors de sa défense, Dominique Huez l’a interpellé : « Me demandez-vous de donner à cette chambre ce dossier médical ? » Ce à quoi le président a acquiescé. « Vous ne l’aurez-pas, car, comme vous le savez, il peut seulement vous être remis par mon patient, qui n’est pas présent », lui a rétorqué le médecin du travail aujourd’hui retraité.
Impossibilité de se défendre
Ainsi, il a démontré l’impossibilité, pour lui et ses pairs jugés par les instances ordinales, de se défendre suite aux plaintes déposées par des employeurs (une centaine par an) reprochant leur parti pris en faveur des salariés. Karine Djemil, suspendue six mois par la chambre régionale du Conseil de l’ordre en février et présente ce jour-là, en a également fait les frais. « Les dossiers médicaux que j’avais produits ont été demandés par les avocats des salariées pour étayer leur procédure aux prud’hommes pour harcèlement moral et sexuel et on me le reproche, explique-t-elle. Or le Conseil de l’ordre, qui n’est pourtant pas une juridiction, juge sur la forme et le fond. Sur le fond, je ne peux pas me défendre, en vertu du respect du secret médical. »
Des plaintes « qui portent atteinte à l’indépendance de la médecine du travail »
Au-delà de ces deux affaires, Dominique Huez a plaidé pour « l’irrecevabilité des plaintes des employeurs qui portent atteinte à l’indépendance de la médecine du travail ». La décision de la chambre disciplinaire devrait être rendue fin juillet. « Nous attendons de l’issue de cette procédure que le Cnom condamne Dominique Huez pour que nous puissions porter l’affaire en cassation devant le Conseil d’Etat, indique Alain Carré, de l’Association santé et médecine du travail. Techniquement, le Conseil de l’ordre des médecins n’est pas compétent sur les questions de santé au travail. Juridiquement, il n’a pas à imposer des sanctions, il est seulement censé veiller à ce que la déontologie soit respectée. » Ce qu’il n’a pas su faire ce 8 juin.