Construction : la santé démolie

par François Desriaux / 23 juillet 2009

L'Institut de veille sanitaire a publié hier les résultats d'une enquête sur la mortalité prématurée des ouvriers de la construction. Une étude qui relance le débat sur la pénibilité.

Une étude de l'Institut de veille sanitaire (InVS) montre la surmortalité des salariés de la construction, « pour des causes attribuables à des facteurs de risques professionnels connus », peut-on lire dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) daté du 21 juillet. Les chercheurs ont analysé les causes du décès prématuré, survenu avant l'âge de 65 ans, de près de 2.000 travailleurs de ce secteur, sur une période allant de 1974 à 1999 et les ont comparées avec celles constatées dans la même période pour des travailleurs d'autres branches professionnelles, ainsi qu'avec celles de la population générale.

Surmortalité

« Les résultats montrent une surmortalité générale significative des travailleurs de la construction par rapport à la population générale française, peut-on lire dans le BEH, ainsi qu'une surmortalité significative par cancer, notamment par tumeur bucco-pharyngée, de l'appareil digestif et du péritoine, ainsi que de l'appareil respiratoire ». La surmortalité est également significative pour les maladies cérébrovasculaires, pour celles de l'appareil digestif et pour les chutes accidentelles. En revanche, une sous-mortalité est observée pour les maladies infectieuses.

Comme on pouvait s'y attendre, les ouvriers constituent la seule catégorie sociale à présenter une surmortalité globale par cancer par rapport à la population générale.

Comparée aux actifs d'autres secteurs professionnels, la surmortalité des salariés du bâtiment est également significative pour les cancers, notamment ceux de l'appareil respiratoire.

Une trentaine de cancérogènes

Si les auteurs de l'InVS considèrent que la consommation d'alcool et de tabac – plus forte chez les travailleurs de la construction d'après plusieurs études – peuvent justifier en partie la survenue plus importante de certaines pathologies, cancéreuses ou non, ils estiment que « cependant, ces facteurs de risque ne peuvent vraisemblablement pas expliquer à eux seuls les excès observés. Certaines études suggèrent en effet que les expositions professionnelles rencontrées dans le secteur de la construction sont associées à un risque accru de maladies et de décès ». 

Outre l'amiante, la silice ou encore les poussières de bois, près d'une trentaine de cancérogènes avérés ou soupçonnés ont été recensés en France dans ce secteur, selon l'enquête Sumer (« Surveillance médicale des risques »), menée par le ministère du Travail. De plus, la construction reste l'un des secteurs les plus dangereux, avec un risque d'accident grave, voire mortel, parmi les plus élevés.

Cette étude vient relancer le débat sur la pénibilité et justifie tant une politique d'amélioration des conditions de travail qu'une politique de réparation permettant à ceux qui ont une espérance de vie réduite, à cause des conditions de travail passées, de cesser de travailler plus tôt. Une question que le gouvernement ne pourra pas éviter s'il veut allonger encore la durée de cotisation pour les départs en retraite à taux plein.