Des conteneurs toxiques, une prévention minimale
Lors de leur ouverture, les conteneurs de transport peuvent dégager des gaz toxiques. La prévention de ce risque chimique a récemment fait l'objet de journées de sensibilisation. Mais des mesures plus draconiennes devraient être prises, selon la CGT.
La présence de gaz toxiques dans les conteneurs maritimes deviendrait-elle enfin une préoccupation de santé au travail ? Les deux réunions de sensibilisation organisées par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le 14 octobre dernier au Havre, puis la semaine suivante à Marseille, semblent en attester. Initiées en partenariat avec les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) Normandie et Provence-Alpes-Côte d'Azur, sous l'intitulé "Prévenir le risque chimique à l'ouverture des conteneurs", ces journées ont été l'occasion de dresser la liste des différents gaz nocifs potentiellement présents dans les 5 millions de conteneurs transitant annuellement par nos ports.
Deux types d'émanations sont susceptibles d'être à risque, notamment pour les dockers et douaniers, premiers à ouvrir les conteneurs une fois à terre. Les premières résultent de la fumigation opérée sur des denrées alimentaires avant leur transport, afin de les préserver des parasites. Parmi les gaz toxiques observés, on trouve de la phosphine, du bromure de méthyle, de la chloropicrine, de l'acide cyanhydrique et du fluorure de sulfuryle. Le second type d'émanations provient de produits manufacturés, du fait de leurs composés de fabrication (colles, teintures, plastiques, etc.). Ils dégagent notamment du benzène, du toluène, des xylènes, du styrène ou encore de l'ammoniaque.
Avant toute intervention dans un conteneur, "il est impératif de consulter le document qui accompagne la marchandise : il indique sa nature et son origine", note Barbara Savary, du département métrologie des polluants de l'INRS. Le problème, regrette-t-elle, est que "très peu de marchandises ont été signalées par les exportateurs comme ayant été fumigées. Il revient pourtant à l'Organisation maritime internationale (OMI) de faire respecter la réglementation internationale. Pour notre part, nous ne sommes pas à même de l'imposer". A défaut de signalétique conforme, l'INRS préconise que chaque employeur évalue les risques et prenne les mesures qui s'imposent si ceux-ci sont élevés, comme une ventilation forcée du conteneur.
Les douaniers du port du Havre, via la CGT, ont les premiers sonné l'alarme sur ces risques, en 2010. Or les douaniers et les dockers ne sont pas les seuls à être exposés. Si l'on ajoute les travailleurs du transport, des plates-formes logistiques et, en bout de chaîne, ceux des commerces qui reçoivent les marchandises, plusieurs centaines de milliers de salariés sont concernés. Et la plupart d'entre eux n'ont aucune connaissance de ces risques.
Aucune étude existante
En six ans, "le dossier n'a avancé que sur la question de l'information, comme si l'Etat cherchait à se couvrir, explique Gérald Le Corre, inspecteur du travail, pour la CGT Normandie. Sinon, aucune étude toxicologique n'a encore été menée sur l'évaluation des risques liés à cette polyexposition. Hormis les données tirées de la littérature scientifique, on ne dispose toujours pas d'éléments concrets qui nous démontreraient qu'il n'y a pas de toxicité aiguë et que nous ne sommes pas en train de créer de futurs cancers".
La CGT Normandie déplore qu'aucune mesure de prévention contraignante n'ait été prise par les pouvoirs publics. Par exemple, la ventilation forcée n'est pas imposée, pas plus que l'adoption de la désinsectisation par le froid, plus coûteuse mais sans gaz toxiques. Idem pour la suppression des planchers en bois, toujours présents dans des conteneurs alors qu'ils absorbent les particules toxiques et les cumulent au fil de leurs voyages. En résumé, il reste beaucoup à faire.