Les coulisses de l’élaboration de l’article 24
Les arrêts de la Cour de cassation du 20 janvier 2023 affirment que, dans l’hypothèse d’une faute inexcusable, la rente n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent (DFP), soit les souffrances physiques et psychiques endurées. Autrement dit, la rente versée aux victimes du travail indemnise exclusivement les préjudices économiques (la perte de gains et la capacité de gains), un revirement de jurisprudence renouant avec l’esprit de la loi historique du 9 avril 1898. La « sanctuarisation » du DFP ouvrait donc la voie à la réparation des préjudices extrapatrimoniaux non indemnisés par la rente. Une bonne nouvelle pour les victimes du travail et un pas de plus vers la réparation intégrale.
Mais les partenaires sociaux, attachés à la nature duale de la rente (préjudice économique/ DFP), n’ont pas privilégié cette lecture. L’ANI du 15 mai 2023, signé à l’unanimité, marque la volonté de revenir sur cette avancée jurisprudentielle. Le gouvernement s’est engouffré dans la brèche et a proposé de retranscrire l’ANI dans un article 39 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Devant le tollé suscité par ce texte, l’article a été retiré du projet de loi afin de permettre aux partenaires sociaux de clarifier leurs intentions.
Pour éclairer un débat particulièrement technique, la direction de la Sécurité sociale (DSS) du ministère de la Santé et la direction des risques professionnelles (DRP) de l’Assurance-Maladie sont entrées en scène, à la demande du comité paritaire de suivi de l’ANI. Santé & Travail s’est procuré leurs premières conclusions. Quelques mois plus tard, l’article 24 du PLFSS 2025, adressé au Parlement le 10 octobre après son adoption en Conseil des ministres, succède à l’article 39.