Risques professionnels : la Cour des comptes tacle le plan cancer

par Philippe Bornard / octobre 2008

Dans un rapport publié en juin, la Cour des comptes dénonce les carences du plan cancer en matière de prévention du risque professionnel... Un bilan contesté par les institutions chargées de mettre en oeuvre le dispositif.

L'Etat n'a pas tiré toutes les leçons du précédent en matière d'amiante." C'est le constat accablant dressé par la Cour des comptes dans un rapport publié en juin 20081 sur la mise en oeuvre du plan cancer. La Cour y épingle les carences de la prévention des cancers professionnels.

Ainsi, le plan prévoyait de systématiser la surveillance épidémiologique des personnes exposées à des risques cancérogènes sur leur lieu de travail. "Objectif non atteint", dénonce le rapport. Ce dernier pointe aussi l'absence en France d'un système de surveillance des causes de décès par profession, ou de statistiques nationales de mortalité par cause, profession et secteur d'activité. "La gravité de ces carences doit être soulignée", précise la Cour.

 

Retard de transposition

 

Mais la critique la plus virulente concerne le retard de transposition de la directive europé­enne 2000/39/CE diminuant les plafonds d'exposition aux substances les plus dangereuses : six ans. "Pendant ces années de retard, le risque a perduré de provoquer des cancers professionnels par une exposition à des doses supérieures aux nouveaux plafonds." La Cour des comptes cite notamment l'Institut national du cancer (Inca), qui n'aurait pas donné l'alerte, en dépit de sa fonction de coordination. Le verdict final n'est pas tendre : la mesure n° 13 du plan cancer - "mieux impliquer la santé au travail dans la prévention du cancer" - a été mise en oeuvre de manière "variable, tardive, au risque de prolonger des situations dangereuses", observe la Cour des comptes.

 

"Déjà pas mal"

 

Un verdict jugé trop sévère par les institutions incriminées. Concernant l'échec de la surveillance épidémiologique des salariés, l'Institut de veille sanitaire (InVS) relativise. "Des dispositifs existent, la question est très complexe et nécessite d'importants moyens, nous y travaillons", explique Ellen Imbernon, responsable du département santé-travail de l'institut. La mise en place d'une cohorte appropriée en serait à un stade avancé. Quant à la surveillance des causes de décès, Ellen Imbernon précise : "Nous avons mis en place depuis 2005 le projet Cosmop [cohorte pour la surveillance de la mortalité par profession, NDLR] qui renseigne le secteur d'activité dans lequel la personne a travaillé ; c'est déjà pas mal, mieux que ce que font la plupart des autres pays."

Le retard de six ans dans la transposition de la directive européenne ? "Tout d'abord, ce n'est pas six mais quatre ans, corrige Jean-Denis Combrexelle, directeur général du Travail. Et surtout, les substances les plus dangereuses ne sont pas dans cette directive. Ainsi, les valeurs limites d'exposition pour le benzène, les poussières de bois et le chlorure de vinyle ont été transposées par la France avant le plan cancer et à des niveaux plus exigeants que la réglementation européenne pour ces deux derniers produits."

L'Institut national du cancer, pointé du doigt, souligne pour sa part qu'il venait juste d'être créé et n'avait pas été investi clairement d'une fonction d'alerte. Un proche du dossier, extérieur à l'institut, décrypte : "La critique générale est fondée, l'Inca, au départ, ne s'est pas investi sur les cancers professionnels. Mais lui faire porter tout le chapeau permet d'occulter les vraies responsabilités des autres : ministères, agences sanitaires, assurance maladie et partenaires sociaux." En espérant que le nouveau plan cancer, attendu fin 2008, permettra de mieux cibler la prévention et le dépistage des cancers professionnels.

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    La mise en oeuvre du plan cancer (2003-2007), La Documentation française, 2008.