Une course cycliste sans ligne d'arrivée

par Yves Roquelaure professeur de médecine du travail / juillet 2014

Les études cliniques confirment les effets de la crise et des modifications organisationnelles. On assiste à une augmentation des plaintes concernant les excès du travail. Les marges de manoeuvre paraissent plus ouvertes, mais les contraintes ne sont pas allégées. L'apparition dans l'administration de méthodes de management inspirées du privé aboutit à une transformation profonde du secteur public. Le nombre de pathologies liées aux troubles musculo-squelettiques s'est considérablement accru dans des secteurs inattendus, comme le ministère de la Justice. Les patients nous disent : "Il faut faire plus, plus vite, jusqu'à l'épuisement. C'est comme une course cycliste sans ligne d'arrivée." Dans le privé, les restructurations provoquent des situations de grande souffrance parmi les cadres supérieurs, affectés par la perte de sens, d'humanisme et de respect de l'autre.

Les conséquences de la crise se font aussi sentir sur la nature de l'emploi. Pas seulement pour les jeunes, fragilisés par la généralisation des contrats courts, ou les plus anciens, qui aspirent à atteindre la retraite sans trop de crainte. La précarité crée des situations anxiogènes parmi les salariés en CDI de 40 à 45 ans, qui redoutent de perdre ce qu'ils ont.