Covid-19 : pour une indemnisation des victimes professionnelles
L’Académie de médecine et deux associations de défense des victimes du travail demandent au gouvernement de légiférer pour faciliter la réparation des préjudices subis par les salariés et agents décédés, ou atteints de séquelles, à cause du Covid-19.
Il est temps de passer de la parole aux actes. C’est le message qu’ont voulu faire passer deux associations de victimes de risques professionnels, la Fnath (Association des accidentés de la vie) et l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) à propos du Covid-19. « Nos soignants paient un lourd tribut pour sauver des vies. Tous les soignants malades seront reconnus au titre des maladies professionnelles, sans exception », a affirmé Olivier Véran, le ministre de la Santé, le 23 mars. Sauf qu’en l’état actuel du système d’indemnisation professionnelle, ça n’est pas possible. Aucun tableau de maladie professionnelle ne mentionne le Covid-19.
Alors « hors tableau, pour les personnes contaminées au travail, il n’y aurait pas de présomption d’imputabilité, fait observer Alain Bobbio, secrétaire national de l’Andeva. Et les demandeurs devraient passer par la voie du système complémentaire, c’est-à-dire devant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP) et démontrer qu’il y a un lien direct et essentiel entre leur exposition professionnelle et leur maladie. Très difficile avec le Covid-19, surtout en l’absence de dépistage ».
Elargir le champ des bénéficiaires
L’Andeva, la Fnath et même l’Académie de médecine, dans leurs communiqués respectifs, appellent le gouvernement à légiférer rapidement pour créer des conditions d’accès aux indemnisations des victimes du coronavirus ainsi que de leurs proches, en cas de décès. « Heureusement, la grande majorité des salariés et des agents contaminés par le coronavirus guérissent sans séquelle, rappelle Alain Bobbio. Mais, malheureusement, les patients les plus gravement atteints qui auront passé plusieurs semaines en réanimation, sous respirateur artificiel, sont susceptibles d’avoir des séquelles dont il faudra bien prendre en charge les conséquences sanitaires mais aussi sociales. Pour les victimes décédées, leurs ayants droit devront également être indemnisés. Or il y a un décalage énorme entre le secteur privé et le public, selon que les personnes sont mariées, pacsées ou conjointes. »
Les soignants, en première ligne, doivent bien sûr être indemnisés. Mais aussi ceux en deuxième ligne, en l’occurrence, « les personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays (alimentation, transports en commun, sécurité…) », énonce l’Académie de médecine. Pourquoi restreindre la réparation des préjudices subis aux soignants alors que ceux qui font le ménage dans les services Covid-19 des hôpitaux, par exemple, courent également le risque d’y être contaminés ? De même que les hôtesses de caisse, les éboueurs, les pompiers, les policiers et toutes celles et ceux en contact avec des personnes potentiellement infectées.
« Une commission d’indemnisation »
« A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle, plaide quant à elle Nadine Herrero, présidente de la Fnath. Pour faciliter l’accès à un processus d’indemnisation pour les victimes ou leurs proches en cas de décès, nous demandons au gouvernement de créer une commission d’indemnisation spécifique qui définirait le cadre de l’instruction, avec des critères de recevabilité et des collèges d’expertise qui étudieraient les dossiers. » Le versement des indemnités en lui-même pourrait être assuré par une structure déjà existante : l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
« Olivier Véran évoque la reconnaissance en maladie professionnelle pour l’ensemble des soignants, sauf que rien que pour cette catégorie, les multiples voies de reconnaissance des risques professionnels sont bien trop complexes, estime Nadine Herrero. Ceux travaillant en clinique relèvent du droit commun, ceux des hôpitaux, de celui de la fonction publique. Il y a aussi les professions libérales, et mêmes les bénévoles venus en aide aux blouses blanches. Ce n’est pas possible de faire reposer ce système sur celui de la réparation professionnelle. » D’autant plus que celui-ci ne donne droit qu’à une réparation forfaitaire et limitée qui n’indemnise qu’une petite partie des préjudices. Or les deux associations réclament une indemnisation intégrale. Elles demandent toutes les deux au gouvernement d’aller vite. « Avec l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement s’est donné les moyens de réagir rapidement en légiférant par ordonnance. Qu’il en fasse bénéficier aussi les victimes du coronavirus ! », espère Nadine Herrero.