Covid -19 : la menace d’une contamination aérienne se précise
Plusieurs scientifiques se sont inquiétés en juillet des risques de transmission par aérosolisation du coronavirus en espace clos. Alors que le port du masque est désormais obligatoire en France dans les établissements recevant du public, la question des mesures de prévention dans les lieux de travail se repose.
Jusqu’alors, les préconisations des autorités, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avaient surtout visé à prévenir la transmission du SARS-CoV-2 par les gouttelettes respiratoires, émises lorsque les personnes toussent ou parlent, ou encore par l’intermédiaire des mains après un contact avec des surfaces contaminées. Mais dans une tribune publiée le 4 juillet dernier par le New York Times, des chercheurs d’une trentaine de pays se sont alarmés de la sous-estimation par l’OMS d’un autre risque : exhalé par une personne infectée, le virus pourrait se retrouver dans des aérosols de particules fines capables de rester en suspension plusieurs heures dans l’air intérieur. Et ainsi se propager à d’autres personnes respirant l’air d’une même pièce, limitant peut-être la prévention par la distanciation physique.
En écho à cette tribune, un collectif de professionnels de santé en France a préconisé le port obligatoire du masque dans les lieux publics clos, arguant que la transmission par aérosol « semble être désormais reconnue comme une des voies majeures de transmission du virus ». Plusieurs articles publiés dans des revues scientifiques de haut niveau ont déjà souligné l’intérêt des masques de type chirurgical pour diminuer les risques de contamination par des virus respiratoires, dont les coronavirus, y compris par voie aéroportée.
De nouvelles données
Dès le début d’avril, un avis du Haut Conseil de la santé publique en France (HCSP) indiquait qu’une transmission par aérosol du SARS-CoV-2 ne pouvait être exclue dans les milieux clos et préconisait notamment l’aération des locaux. Depuis, des études ont montré que du matériel génétique du virus pouvait être retrouvé en suspension dans les échantillons d’air prélevés autour des malades du Covid-19. « La détection de cet ARN ne signifie pas forcément que le virus soit viable et capable de provoquer une infection », précise Marie-Cécile Bayeux-Dunglas, responsable du pôle risques biologiques à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Une étude préliminaire du 21 juillet réalisée par le centre médical de l’université du Nebraska, aux Etats-Unis, montre que cet ARN viral serait capable de se répliquer en culture cellulaire. Un argument de plus en faveur de l’infectiosité des aérosols. « Plusieurs épisodes de contamination survenus dans certains espaces clos font évoquer une transmission possible par des aérosols, continue Marie-Cécile Bayeux-Dunglas. Dans ces conditions, le risque d’exposition à des aérosols possiblement infectieux doit aussi être pris en considération ».
Pour autant, les données scientifiques ne permettent pas de connaître réellement la part respective de chaque modalité de contamination, gouttelettes, contact ou air, dans la diffusion du SARS-CoV-2. Et le débat scientifique reste ouvert. « Les cas décrits dans la littérature témoignent d’une transmission par gouttelettes, celle par air semble être marginale », estime de son côté Véronique Merle, professeure en épidémiologie et chef de service du département de prévention des infections associées aux soins au CHU de Rouen.
Quid de la prévention au travail ?
D’après le dernier point épidémiologique de Santé publique France, 72 foyers infectieux dans les entreprises ont été documentés depuis le 9 mai. Les mesures du protocole national de déconfinement en vigueur prévoient le port du masque dans les lieux de travail uniquement lorsque la distanciation physique ne peut être respectée. « En cas de rebond effectif de l’épidémie, le gouvernement n’exclut pas de renforcer ces mesures pour garantir la santé et la sécurité des salariés », indique toutefois le ministère du Travail. Mais la question se pose : la menace, de plus en plus argumentée, d’une contamination par voie aéroportée doit-elle modifier la prévention pour les salariés, avec éventuellement l’obligation du port d’un masque ? « Pour éviter les risques de transmission en milieu de travail, les mesures reposent sur l’isolement rapide des sujets possiblement infectés, la distanciation physique, l’application des mesures d’hygiène, une ventilation efficace des locaux, et selon les situations, sur le port d’un masque », répond Marie-Cécile Bayeux-Dunglas.
C’est avant tout l’évaluation des risques qui doit permettre de définir l’intérêt ou non de porter des masques. « Ceux-ci ne sont absolument pas suffisants. Il faut une stratégie graduée qui reprend les principes généraux de prévention, suppression du risque, évaluation, prévention collective puis individuelle », souligne pour sa part Quentin Durand-Moreau, médecin du travail et professeur adjoint à la division de médecine préventive de l’université de l’Alberta au Canada. « Le télétravail doit rester la modalité privilégiée de travail dès que c'est possible », ajoute-t-il. S’agissant plus particulièrement des salariés vulnérables, susceptibles de développer une forme grave de l'infection, Henri Bastos, adjoint à la direction d’évaluation des risques santé travail de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), estime nécessaire de privilégier une organisation de travail qui leur permette avant tout de ne pas s’exposer. Car si les gestes barrières et le port d’un masque diminuent de façon importante la possibilité d’être infecté, la protection conférée n’est jamais totale. Selon une méta-analyse diligentée par l’OMS et publiée le 1er juin dans la revue médicale The Lancet, le port du masque réduit la probabilité d’être contaminé par le coronavirus de 85 % en cas de rencontre avec une personne infectée (96 % avec un masque FPP2 porté par les professionnels de santé et 67 % avec un autre type de masque). De même, une distance physique d’un mètre diminue de 82 % le risque d’être contaminé.