Covid-19 : des risques psychosociaux occultés
Avec le port du masque obligatoire sur les lieux de travail clos, le gouvernement semble avoir pris la mesure des risques de contamination en entreprise. Ce n’est pas encore le cas pour les risques psychiques liés à l’épidémie de Covid-19, malgré une alerte du Conseil scientifique.
Les risques de transmission du Covid-19 par aérosols sont fortement suspectés par les scientifiques depuis plusieurs semaines (voir notre article). Et, au regard d’une transmission aéroportée, la distanciation physique de 1 mètre actuellement préconisée sur le lieu de travail n’est pas suffisante. De fait, 182 clusters de contamination, soit 24% de l’ensemble de ceux identifiés depuis le 9 mai, ont été comptabilisés dans les entreprises privées et publiques. Il aura fallu néanmoins attendre une nouvelle mise au point du Haut Conseil de la santé publique, publiée le 14 août, pour que le ministère du Travail se décide à prendre des mesures.
Pour protéger les salariés mais aussi enrayer la reprise de l’épidémie, le port du masque deviendra obligatoire dans les entreprises à compter du 1er septembre dans tous « les espaces clos et partagés », comme les bureaux partagés, open space, salles de réunions, vestiaires ou couloirs. Les employeurs seront tenus de fournir à leurs salariés lesdits masques. Pour les organisations syndicales, cette évolution des règles sanitaires en entreprise ne suffit pourtant pas. Elles estiment urgent d’entamer des négociations sur l’organisation et les conditions de travail en période de pandémie, ou encore de parvenir à un accord national sur le télétravail afin de mieux encadrer ses modalités.
Mieux prévenir la souffrance au travail
Certains risques liés à la pandémie semblent également échapper au radar du gouvernement. Dans son dernier avis publié fin juillet, le Conseil scientifique chargé d’éclairer l’exécutif s’est pour la première fois alarmé des risques psychosociaux (RPS) au travail. Préconisant des études au niveau national pour prévenir et accompagner la souffrance psychique, les treize experts estiment qu’elle devrait faire l’objet d’une vigilance de la part tant des employeurs que des pouvoirs publics.
Le Conseil scientifique rappelle que le confinement a éprouvé les organisations et les personnes. Et ses effets différés peuvent se manifester dans la durée. « Des expériences personnelles difficiles vécues pendant l’épidémie peuvent être mal identifiées ou mal reconnues, être la source de difficultés organisationnelles ou personnelles, voire d’états pathologiques chez certains salariés », soulignent les experts. L’investissement très fort au travail de certaines personnes pour garantir la continuité de l’activité dans des conditions dégradées a pu ne pas être reconnu, d’autant plus qu’il a été réalisé à distance. Pour d’autres personnes tenues à l’écart de leur activité professionnelle, que ce soit en raison de leur état de santé, du chômage partiel ou de situations familiales, le retour et la réintégration au travail pourront s’avérer compliqués. Sans compter celles et ceux qui ont vu s’arrêter leur activité professionnelle, basculant dans le chômage.
Une vague de troubles psychiques
« Ces difficultés peuvent se traduire par des formes d’épuisement, de démotivation, voire d’états dépressifs », met en garde le Conseil scientifique. Des psychiatres et psychologues redoutent quant à eux une « deuxième vague » de troubles psychiques dans l’ensemble de la population : anxiété, dépression ou état de stress post-traumatique… L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) et l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) ont l'un et l'autre souligné l’importance de la prise en compte des RPS, pendant le confinement et après. Pour autant, le protocole national de déconfinement pour les entreprises, dont une version remaniée devrait être publiée d’ici le 1er septembre, ne cible toujours que le seul risque infectieux.