Le CSE, cadeau de Noël empoisonné
Le gouvernement a déposé au pied du sapin son décret sur la fusion des instances représentatives du personnel en un comité social et économique (CSE). Avec moins d’élus pour le faire fonctionner, et sans le CHSCT, la santé au travail risque d’en pâtir.
Les presses du Journal Officiel n’auront pas connu la trêve des confiseurs. Juste avant le Nouvel An, plusieurs décrets d’application immédiate sont venus préciser les modalités de mise en œuvre des ordonnances réformant le Code du travail. Parmi les textes très attendus, figure le décret n° 82 paru le 30 décembre sur la fusion des instances représentatives du personnel. Quatre autres décrets (sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir) détaillent les facteurs de risques professionnels pris en charge par le nouveau compte professionnel de prévention et ses modalités d’abondement.
Le comité économique et social (CSE), instance qui fusionne désormais les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, peut être mis en place à compter du 1er janvier 2018. Le texte précise ses modalités de fonctionnement, le nombre d’élus et leur crédit d'heures de délégation. La mise en place d’un CSE sera obligatoire d’ici début 2020 dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés et doit se faire à l’occasion du renouvellement de l’une des instances représentatives entretemps.
Quatre réunions par an sur la santé et la sécurité
Le CSE se réunira une fois par mois dans les entreprises de plus de 300 salariés et une fois tous les deux mois dans les entreprises entre 50 et 299 salariés, sauf accord d’entreprise plus favorable. Quatre réunions par an au moins devront prévoir à l’ordre du jour des points relatifs à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail.
Comme il fallait s’y attendre, la fusion ne se fait pas à moyens constants. Quelle que soit la taille de l’entreprise, il y a une réduction, parfois sensible, du nombre d’élus. Cette règle est plus nuancée s’agissant du nombre d’heures de délégation. Celui-ci peut être même plus important qu’il ne l’était auparavant. Trois exemples permettent de se faire une représentation de la situation.
Pour une entreprise de 50 salariés, le futur CSE comprendra quatre élus disposant chacun de 18 heures de délégation, soit un total de 72 heures, alors qu’auparavant les trois instances comptaient 8 élus avec 96 heures de délégation.
Dans une entreprise de 200 salariés, le CSE comptera 10 élus dotés chacun de 22 heures, soit un total de 220 heures de délégation. Les trois instances permettaient jusqu’ici à 15 représentants du personnel d’exercer un mandat, pour un total de 210 heures.
Enfin, les 25 élus du CSE d’une entreprise de 3 000 salariés disposeront de 26 heures, pour un total cumulé de 650 heures de délégation. Auparavant, ils étaient 37 élus à disposer exactement du même nombre d’heures.
Autre changement important, le nombre de mandats consécutifs est désormais limité à trois ou à une durée maximale de douze ans, que ce soit pour les élus titulaires ou les suppléants, sauf accord contraire et exception faite des entreprises de moins de 50 salariés.
Cofinancement des expertises
Le CHSCT disparaît donc et le CSE reprend l’essentiel de ses prérogatives (droit à consultation, droit d'expertise, droit d'agir en justice, etc.), avec quelques modifications. Par exemple, hormis un risque grave et identifié, les expertises CHSCT seront désormais financées seulement à 80 % par l’employeur, et à 20% par le CSE sur son budget de fonctionnement, contre une prise en charge intégrale par l’entreprise auparavant. Cela concerne notamment les expertises sur des projets modifiant les conditions de travail. Afin de ne pas pénaliser les CSE avec un petit budget, insuffisant pour financer le coût d’une expertise, le projet de loi de ratification prévoit une prise en charge intégrale par l’employeur dans ce cas. Et ce, à condition que le budget de fonctionnement n’ait pas fait l’objet d’un transfert d’excédent vers celui des œuvres sociales et culturelles au cours des trois années précédentes, ni au cours des trois suivant l’expertise.
Pour les entreprises de plus de 300 salariés ou à risques, la création d’une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSS) est bien prévue. Mais il s’agit d’une simple émanation du CSE : elle ne peut pas décider seule une expertise, ni agir en justice directement. Maigre consolation, le temps passé aux réunions de cette commission n'est pas déduit des heures de délégation. Ses membres devront également recevoir une formation dans le domaine de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Les sénateurs, qui examinent le projet de loi de ratification des ordonnances à partir du 23 janvier, veulent élargir ce droit à tous les membres du CSE, même en présence d'une commission SCC. En effet, les mesures de l’ordonnance relative au CSE, déjà retouchées par une ordonnance-balai du 20 décembre dernier, peuvent encore être modifiées à l’occasion de la ratification du texte, prévient le site Actuel-CE, qui fait un très bon résumé en infographie.