Les dangers du travail en 2 x 12 heures à l'hôpital

par Elsa Fayner / octobre 2014

"Dans les hôpitaux, c'est la grande mode aujourd'hui", constate Béatrice Barthe. Ergonome, elle est de plus en plus contactée par des établissements qui mettent en place des postes de travail de 12 heures d'affilée. Ce mode d'organisation permet de suivre les patients du lever au coucher, quand c'est en journée. Il s'accompagne de périodes de repos ou de récupération plus longues et réduit les temps de transport. Mais pour quels effets sur la santé et la sécurité ?

Comme 0,5 g d'alcool par litre de sang

En mars dernier, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), prolongeant le travail de Béatrice Barthe, a publié Organisation du travail en 2 x 12 h : les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, une synthèse d'études nourrie d'échanges entre médecins du travail1 . Premier rappel : une veille de 17 à 19 heures consécutives ralentit autant les fonctions cognitives et le temps de réaction que la consommation de 0,5 g d'alcool par litre de sang. Le risque d'accident du travail augmente de façon exponentielle au bout de la neuvième heure de travail en journée et de la huitième heure la nuit, complète Béatrice Barthe. Enfin, le risque d'erreur augmente à partir de la troisième nuit de travail consécutive.

La "reprise en main" peut également être compliquée. Quand un salarié rentre de quatre, six ou neuf jours de congé, il a besoin qu'un temps lui soit octroyé pour savoir ce qu'il s'est passé. Or ce n'est pas toujours le cas. Tout dépend de l'organisation mise en place dans l'établissement. Par ailleurs, les effets sur la santé - prise de poids, augmentation des conduites addictives et des troubles musculo-squelettiques - dépendent des contraintes sociales et familiales pesant sur les personnes concernées, analyse Béatrice Barthe.

L'INRS formule plusieurs préconisations pour éviter le pire : intégrer les transmissions d'informations dans les temps de travail ; instaurer de vraies pauses permettant le repos plusieurs fois au cours des 12 heures ; supprimer les tâches trop complexes ou travailler en binôme la nuit ; éviter les prises de poste avant 6 heures du matin, etc.

S'il recommande de n'adopter les postes longs qu'en cas d'absolue nécessité, il précise qu'ils sont fortement contre-indiqués en cas de contraintes physiques importantes, de charge mentale soutenue et de présence nécessaire régulière. "A Singapour, les 3 x 8 ont été remplacés par les 2 x 12 en 1983, rappelle Béatrice Barthe. L'expérience a été rapidement abandonnée par de nombreuses entreprises, suite aux plaintes des salariés."