Le défi de la DUP

Le projet de loi El Khomri de refonte du Code du travail nous aurait presque fait oublier la publication des décrets d'application de la loi Rebsamen. Or ces textes réglementaires devraient passablement bouleverser le fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP) en général et du CHSCT en particulier. L'élargissement de la délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de moins de 300 salariés (contre 200 aujourd'hui) et leur extension au CHSCT, en plus du CE et des délégués du personnel, vont constituer un sacré défi pour les représentants des salariés. Ils devront à l'avenir tenter de faire aussi bien en étant moins nombreux, en ayant globalement moins d'heures de délégation et, surtout, en étant "multicasquettes". Il n'est pas certain que les responsables politiques et les décideurs d'administration centrale du ministère du Travail avaient en tête le contexte d'intensification du travail et le niveau élevé de maladies professionnelles au moment de la rédaction de cette loi. Les spécialistes des conditions de travail perçoivent bien que ce texte était davantage dicté par la réduction des contraintes pesant sur les entreprises plutôt que par l'amélioration de l'efficacité de ces organes de régulation. C'est donc le saut dans l'inconnu. Quelle place laissera ce regroupement des IRP aux questions de santé au travail, qui peuvent être éclipsées par les problèmes d'emploi ou de salaire ? Comment, selon les termes du projet de loi El Khomri, "favoriser une culture du dialogue et de la négociation alors que la mise en place d'une DUP devient possible à l'initiative du seul employeur ? Comment, surtout, développer la capacité des acteurs de l'entreprise à débattre et à agir sur leur travail ? Les réponses à ces questions appartiennent d'abord aux représentants du personnel et à leurs organisations syndicales, mais le défi est également grand pour les professionnels des conditions de travail, comme les ergonomes, qui vont devoir eux aussi réfléchir à cette évolution.