Une dégradation peu visible
Le tableau de l'Europe du travail est à l'image de l'Europe en crise. Avec un clivage Nord/Sud et un autre centre/périphéries, selon le dernier rapport de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. Le nombre d'accidents du travail déclarés est stable, tout comme l'exposition aux risques physiques. La France fait figure d'exception : les risques physiques y ont augmenté en raison de l'intensification du travail. Dans toute l'Europe, les risques psychosociaux sont en augmentation pour les précaires et les "survivants" des restructurations.
Le Luxembourg et le Danemark sont en tête du classement, tandis que les pays baltes et la Roumanie sont les plus touchés par la dégradation des conditions de travail. Quant aux pays placés sous la gouvernance de la troïka1 - soit Chypre, le Portugal, la Grèce et l'Irlande -, ils ont vécu un tel détricotage de leurs conventions collectives que le député Alejandro Cercas, auteur d'un rapport sur les effets sociaux de cette troïka, dénonce "de nouvelles formes d'esclavage".
La durée du temps de travail a diminué, car moins d'Européens travaillent de très longues heures. Davantage le font à temps partiel, parfois subi et mal rémunéré, avec une imprédictibilité qui empêche de cumuler un autre emploi avec celui-ci. Ainsi, en 2010, un tiers des Allemandes devaient se contenter d'un bas salaire avec une durée de travail parmi les plus courtes en Europe, autour de 18 heures. La dégradation des conditions de travail "ne se présente pas comme une catastrophe brutale, car elle reste aussi peu visible que les contours d'une île dans la brume", résume Laurent Vogel, chercheur à l'Institut syndical européen.
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Experts représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, chargés d'auditer la situation économique et les finances publiques d'un Etat.