« Une démarche transparente et publique »
Christophe Paris a présidé le groupe de travail réuni par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour définir une approche plus scientifique de l’élaboration des tableaux des maladies professionnelles. Celui-ci vient de rendre son rapport.
Comment définiriez-vous la méthode proposée par le groupe de travail que vous avez présidé à l’Anses, concernant la création et la révision des tableaux de maladies professionnelles (MP) ?
Christophe Paris : Dans ce premier rapport, nous proposons une approche méthodologique, concernant la définition des critères utilisés pour le diagnostic d’une maladie, la description des expositions professionnelles pouvant y être associées et l'établissement d'une relation causale entre les deux. Cette approche s’appuie, pour une large part, sur des démarches de diagnostic encadrées par des recommandations de bonnes pratiques, une analyse dite standardisée, plutôt que narrative, de la littérature scientifique épidémiologique et expérimentale, une prise en compte de l'ensemble des déterminants susceptibles de majorer les expositions professionnelles et enfin sur l'établissement de relations dose-réponse. Elle intègre également un volet en sciences humaines, permettant de contextualiser chaque saisine, afin de prendre en compte les différents enjeux, en particulier juridiques ou sociologiques.
En quoi cette démarche diffère-t-elle des procédures précédentes et qu’en espérez-vous ?
C. P. : Le cadre que nous proposons pour instruire les tableaux de maladies professionnelles ou leur révision est tout d’abord le fruit d’une expertise collective, associant des spécialités diverses telles que la sociologie, l’épidémiologie, la médecine, la toxicologie, l’expologie, etc. Il offre donc des garanties scientifiques sur les connaissances établies, auxquelles vient s’ajouter le caractère transparent et public de la démarche. L'établissement d'une relation causale avérée entre une pathologie et une exposition professionnelle pourra être tracé et argumenté. Tout ceci est nouveau, la méthode proposée est reproductible et, d’une certaine manière, elle est pédagogique.
Elle pose ensuite quelques principes dans l'utilisation de données scientifiques. Par exemple, nous avons estimé que certains préalables à la discussion d’un tableau de MP n’étaient pas justifiés, comme un risque relatif supérieur à 2 ou une fraction étiologique de plus de 50 %, soit la nécessité qu’une maladie soit reliée à une exposition professionnelle pour plus de la moitié des personnes atteintes. L’Anses considère à raison que ces conditions sont contraires à la notion de présomption d’origine qui est l’un des fondements du système de réparation. Pour l’agence, l'établissement d'une relation causale avérée est un argument fort pour la création d'un tableau de maladie professionnelle, quel que soit le niveau de risque constaté.
Pensez-vous que la démarche scientifique que vous proposez, plus objective, sera suffisante pour combler l’écart entre le nombre de maladies figurant actuellement dans les tableaux et celui des pathologies pour lesquelles les connaissances scientifiques attestent d’un lien avec le travail ?
C. P. : L'objectif est de présenter aux partenaires sociaux un état solidifié des connaissances scientifiques sur la relation entre une pathologie et des expositions professionnelles. On peut espérer que les partenaires sociaux et l'Etat se saisissent de ce type de constat pour décider de la création d'un nouveau tableau, ou d'une évolution de l’existant, et discuter des conditions amenant à la possibilité d'une reconnaissance, en particulier sur les travaux exposants. Il n'est pas certain, pour autant, que les partenaires sociaux ou l'Etat réussissent à faire évoluer la réglementation en termes de maladie professionnelle pour chaque avis rendu par l’Agence, mais cet état de fait devra être argumenté s’il devait être contraire aux conclusions de l'analyse préalable faite par l’Anses.