Ces départements qui agissent pour les aides à domicile (2)
Le département du Lot a créé une entreprise publique locale rassemblant la majeure partie des associations d’aide à domicile. Une organisation unique en son genre qui a permis aux salariées d’être davantage impliquées dans la prévention des risques. Deuxième volet de notre enquête.
Le modèle est unique en France. En 2010, le département du Lot décide de reprendre l’activité de 22 opérateurs dans l’aide à domicile, intégrés dans une entreprise publique locale. Cette décision, justifiée à l’époque par les difficultés de gestion de certaines de ces associations, a fait du département un acteur particulièrement impliqué dans le pilotage des services d’aide à domicile. Les élus locaux dominent en effet au conseil d’administration de ce mastodonte de 750 salariés, opérant dans plus de 300 communes. La continuité du service constitue une vraie priorité dans ce territoire rural, où plus de 35 % de la population a plus de 60 ans. Après avoir consacré une première enquête au département des Landes, Santé & Travail se penche sur le cas du Lot, qui a choisi de mettre fin à une organisation atomisée de l’aide à domicile.
La création d’une telle structure a-t-elle eu un effet favorable sur les conditions de travail des aides à domicile ? Pour le directeur général de Lot aide à domicile (LAD), Arnaud Boué, c’est ce qui a permis de développer un « confort d’intervention ». « La massification dégage des marges financières qui sont réinvesties dans l’entreprise », soutient-il. Depuis plusieurs années, Lot aide à domicile étoffe ainsi ses services en direction des salariés : groupes d’analyse des pratiques professionnelles, recrutement de formateurs internes, renforcement de l’encadrement, ou encore mise en place de flottes de véhicules de fonction... L’an dernier, une équipe mobile a aussi été créée : l’une de ses missions consiste à appuyer les aides à domicile en cas de situations complexes ou de difficultés auprès des bénéficiaires.
Des aides à domicile impliquées dans la prévention
Cette centralisation a aussi permis la construction d’un cadre commun aux 750 aides à domicile que compte l’agence. Une évolution saluée par les aides à domicile avec le plus d’ancienneté. « En association, on pouvait faire n’importe quoi lors de nos interventions, jusqu’à tuer des volailles. Notre activité s’est professionnalisée et on nous a appris à nous protéger des risques professionnels », souligne Roselyne Vidaillac, déléguée syndicale Force ouvrière et aide à domicile depuis 33 ans. La taille de l’entreprise a aussi permis de faire progresser le dialogue social, puisqu’avant la création de LAD, « il y avait une volonté des associations lotoises de ne pas dépasser les 50 équivalents temps plein, ce qui les dispensait de devoir mettre en place une représentation du personnel », ajoute sa collègue Isabelle Garcia, également chez Force ouvrière. Avant la création de l’agence, « nous étions séparées, dans des structures de 10 ou 12 personnes », abonde Pascale Fontaine, représentante CFDT.
En s’impliquant dans les instances de représentation du personnel, les élues ont pu faire progresser la prévention de certains risques. « On a pu réclamer le port de chaussures sécurisées, bien fermées, afin de ne pas glisser ou chuter », illustre Pascale Fontaine. Le travail en CHSCT, à l’époque, a aussi permis de mieux informer les salariés sur le risque chimique. « On s’est rapprochées de la médecine du travail pour réaliser une étude sur les produits d’entretien. Nous avons découvert que leurs effets sont loin d’être anodins pour la peau et les poumons. On a donc demandé que les aides à domicile soient incitées à faire davantage attention à leur utilisation », ajoute la syndicaliste. Une sensibilisation au risque chimique d’autant plus utile que les professionnelles ont généralement leur mot à dire sur le choix des produits d’entretien utilisés au domicile.
La mise en place d’une flotte de véhicules de fonction en location, décidée par la direction et réalisée à coût constant, a permis de réduire le nombre d’accidents de la route, alors que les trajets représentent 30 % du temps de travail des aides à domicile. « Nous disposons de véhicules bien entretenus et bien chaussés. Mais il faut aussi noter que les hivers ont été moins rigoureux », commente Roselyne Vidaillac.
La prévention des TMS, toujours un obstacle
Les efforts de Lot aide à domicile se heurtent néanmoins à la persistance des troubles musculosquelettiques (TMS). « C’est un peu le prochain projet, convient Pascale Fontaine. On essaie de voir ce qu’on peut faire pour prévenir ces risques.» Des aides techniques existent pour faciliter certaines tâches de manutention, mais elles ne sont pas systématiques ; pour partie, elles doivent être achetées par les bénéficiaires. « Il faudrait que le département finance le petit matériel sur toute situation difficile », estime Roselyne Vidaillac.
Dans le deuxième département le plus vieillissant en France, la pression sur les aides à domicile est particulièrement forte. Leur nombre est passé de plus de 800 à 750 en quelques années, sous l’effet des départs en retraite et des démissions. Difficile, dans ces conditions, de s’en tenir aux plannings établis. Et les journées chargées aggravent la fatigue des équipes. « Les arrêts maladie sont fréquents. C’est un cercle vicieux : plus il manque de personnel, plus il faut les remplacer, et plus les personnels s’épuisent », constate Pascale Fontaine. « Commencer à 7 heures et finir à 19 heures, ça fait mal », ajoute Isabelle Garcia, déléguée Force ouvrière.
Les tentatives de la direction pour réorganiser le temps de travail en équipes du matin et du soir n’ont pour l’instant pas abouti. L’aménagement des agendas des aides à domicile se heurtent en effet aux préférences des bénéficiaires, défavorables à des interventions trop tôt dans la journée ou dans l’après-midi.