"Le dépistage renvoie la faute sur le seul individu"

par Renaud Crespin sociologue, chargé de recherche au Centre de sociologie des organisations (CNRS) / avril 2017

"Comme aux Etats-Unis auparavant, les tests de dépistage des drogues risquent de se diffuser largement en France, notamment sous leur forme salivaire. Avec un objectif affiché : la réduction du risque. Mais, pas plus qu'aux Etats-Unis, il n'y a en France d'études prouvant un lien direct entre accidents du travail ou autres atteintes pour l'entreprise et usage de drogues. On est en présence d'affirmations insuffisamment démontrées. En revanche, l'étude scientifique SAM [Stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière], réalisée en 2005, montre que le surrisque d'accident de la route après usage de cannabis, drogue illicite la plus répandue en France, est inférieur à celui lié à la consommation licite d'alcool, soit 0,5 gramme par litre de sang ! En outre, si les tests salivaires détectent des traces de produits quelques heures après une consommation, ils ne donnent qu'une indication d'usage et ne mesurent pas un niveau d'altération des facultés d'un salarié. On veut prévenir des effets qui ont souvent déjà eu lieu ! Le dépistage renvoie la faute uniquement sur l'individu, tout en faisant croire qu'il y a une solution simple au problème complexe des usages de substances dans le monde professionnel."