Dépister les cancers d’origine professionnelle en milieu agricole
Les agriculteurs qui s’interrogent sur la potentielle origine professionnelle de leur maladie peuvent s’adresser à l’un des 28 centres de consultations de pathologies professionnelles et environnementales existant en France. Isabelle Baldi, épidémiologiste spécialiste du lien entre cancers et exposition aux pesticides, travaille au sein de celui qui est rattaché au CHU de Bordeaux, le seul pour toute la région Nouvelle-Aquitaine. « Nous recevons tout patient, envoyé ou pas par son médecin, qui veut avoir un avis, une expertise sur l’éventuelle origine professionnelle de sa maladie, précise-t-elle. Les experts de la consultation réalisent un bilan clinique du patient et examinent son histoire professionnelle, au prisme de leur expérience sur les métiers, les produits toxiques utilisés et des liens possibles avec certaines maladies. » Pour les agriculteurs en difficulté, dont la maladie ne correspond pas précisément à un tableau de maladie professionnelle, « nous tentons de construire le dossier le plus solide, le plus argumenté possible pour établir la causalité entre leur maladie et les produits auxquels ils ont été exposés », rajoute l’épidémiologiste.
A Bordeaux, ces médecins-experts se sont aussi donné une mission proactive face au manque de reconnaissance des maladies liées au travail : aller à la rencontre de malades dont l’origine professionnelle de la pathologie n’a pas été explorée. Et cela pour trois pathologies en lien avec les pesticides : le cancer du poumon dû à l’arsenic, la maladie de Parkinson et les hémopathies malignes. « Un petit questionnaire est remis à chaque patient qui vient au CHU de Bordeaux pour l’une de ces maladies, afin d‘établir s’il a exercé un métier en lien avec les pesticides : agriculteur, jardinier d’espaces publics, entretien des voies ferrées… Si tel est le cas, nous le contactons et lui expliquons notre démarche, explique Isabelle Baldi. Certains ne souhaitent pas s’engager dans une demande de reconnaissance en maladie professionnelle par peur de perdre leur emploi, ou bien en raison du lien personnel qu’ils ont avec l’exploitant agricole. Si le patient est d’accord, il est convoqué pour une consultation, où l’on va reconstituer le parcours professionnel et les expositions à des pesticides, afin qu’il puisse obtenir une réparation du préjudice subi. »