"Développer l'emploi, mais pas aux dépens de la qualité du travail"
La santé au travail ne figurait pas en tant que telle parmi les thèmes de la conférence sociale de juillet. Est-ce un oubli ?
Michel Sapin : Lors de la conférence, certains nous ont reproché en effet de ne pas avoir consacré une réflexion spécifique à la santé au travail, comme nous l'avons fait pour l'égalité professionnelle. Ces deux sujets partagent la même nécessité de remonter en amont au plus près de l'organisation et de sa conception. Si nous voulons obtenir une véritable égalité entre hommes et femmes, il faut une organisation qui permette de concilier le travail et la vie privée. Si nous voulons empêcher l'apparition de maladies professionnelles ou de troubles psychologiques, il faut aussi s'attaquer à l'organisation du travail. Ces objectifs sont inscrits dans la négociation sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle, qui piétinait. Nous avons prévu de réaliser un point d'étape avec les partenaires sociaux en fin d'année sur cette négociation, qui doit s'achever avant la fin du premier trimestre 2013. Un mot tout de même sur la méthode. La conférence a identifié des thématiques sur lesquelles nous voulons impulser une dynamique de concertation avec les partenaires sociaux. Après ce temps de concertation et de négociation, Parlement et gouvernement retrouveront leur liberté d'action, notamment pour procéder à des arbitrages.
François Hollande s'était engagé à revenir sur la réforme de la médecine du travail. Qu'allez-vous faire ?
M. S. : Cette réforme a suscité des critiques et elle contient, sûrement, des éléments contestables. Mais si je devais rendre hommage à nos prédécesseurs, ce serait pour l'avoir menée jusqu'à terme. L'entrée en application très récente, le 1er juillet dernier, ne permet pas de revenir sur les évolutions adoptées. Cela aurait provoqué plus de troubles qu'une amélioration attendue. Il faut maintenant regarder vivre ce nouveau cadre, repérer les points de blocage et les effets bénéfiques. Nous ne pratiquerons pas la politique de l'essuie-glace. Le besoin de réformer s'imposait et ce n'est pas parce que ce changement a été décidé précédemment qu'il faut tout effacer. Nous analyserons les résultats de la réforme et, si cela s'avère nécessaire, nous apporterons des modifications.
Allez-vous rouvrir le dossier de la pénibilité ?
M. S. : La pénibilité est inscrite dans la loi, mais il faut passer des mots aux faits. Cette question fondamentale de justice sera examinée dans le cadre de la réforme des retraites. A l'issue du diagnostic dressé par le Conseil d'orientation des retraites et de la concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement fera, à l'horizon du premier semestre 2013, des propositions sur ce sujet. La feuille de route sociale a, par ailleurs, prévu une mobilisation des acteurs de prévention pour lancer, dans les branches et les entreprises, des expérimentations sur la prévention de la pénibilité.
La santé au travail demeure-t-elle une priorité pour vous, au même titre que l'emploi ?
M. S. : Le souci de l'efficacité doit, certes, guider nos actions pour développer l'emploi, mais pas aux dépens de la qualité du travail. Il y a là une exigence politique mais aussi presque morale qui s'impose à nous. Lors de la conférence sociale, il a été décidé avec les partenaires sociaux de renforcer la gouvernance de la politique de santé au travail tant au niveau national que régional. L'objectif est de développer des actions partenariales ciblées sur des branches et des territoires, en visant les petites entreprises, où il y a un travail important à réaliser pour améliorer les conditions de travail.